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Cartographier la criminalité des villes
09/10/2015

L’utilité d’un tel programme devient rapidement concrète. « On peut imaginer, par exemple, le chef de la police londonienne, qui, au début du mois de février, doit répartir les patrouilles de manière à réduire la criminalité au minimum. Pour s’aider, il consulte une base de données qui répertorie les délits passés. Assez rapidement, il peut obtenir une carte de Londres qui affiche la répartition spatiale de la criminalité pour le mois de janvier et partir de l’hypothèse que la répartition sera similaire pour le mois de février. » Mais un petit détail devient vite épineux, pour le chef de Scotland Yard. Il y a, en 2012, approximativement 1,2 millions de délits répertoriés pour la seule ville de Londres, ce qui en fait près de 100 000 pour le mois de janvier. « Une simple répartition spatiale de la criminalité, où chaque délit est représenté par un point sur une carte, devient illisible. »

Ce que les SIG permettent, c’est donc de rassembler, de résumer ces valeurs en fonction de ce que l’on cherche à savoir. « Sur un plan vectoriel, j’ai réorganisé ces délits en les agrégeant par entités, qui représentent ici les différents secteurs de police de Londres. La couleur de ces polygones varie en fonction du nombre de points qu’ils contiennent. On obtient donc une densité de délits agrégés dans un espace discrétisé. » Mais cette carte vectorielle ne sert qu’à illustrer l’utilité des SOLAP en général. Car Jean-Paul Kasprzyk ne s’est pas intéressé au mode vecteur, mais a cherché à intégrer un espace continu dans ce type de modèle, à l’aide de la méthode raster.

Du vectoriel au raster pour une continuité spatiale

« Le problème principal des techniques vectorielles de cartographie, souligne le géomaticien, est qu’elles biaisent les valeurs qu’on cherche à définir. Par exemple, la finalité de ce recensement de cambriolages est de localiser des « hot spots », ou des points chauds. C’est-à-dire des endroits qui présentent une plus forte concentration de la criminalité. Une analyse qui permettra ensuite de décider où déployer en priorité les patrouilles de police, et donc de mieux prévenir la criminalité. Or, la carte vectorielle présente un espace discret géométriquement figé, à la suite d’une décision arbitraire, à savoir ici la distinction des secteurs de police. » Les hot spots désignés sur la carte ont donc une forme influencée par ces frontières, dont le tracé est indépendant des délits. Il se peut dès lors que des zones à basse criminalité fassent partie d’un secteur à forte concentration de délits, et apparaissent sur la carte comme des hot spots, et inversement. D’où l’ambition d’intégrer un espace continu dans le modèle.

Carte vecteorielle raster
Les services de police privilégient déjà ce type de cartes, plus exactes. Ils utilisent pour cela un algorithme particulier, le KDE (Kernel Density Estimation, ou Estimation de la Densité par les Noyaux). « Initialement, les délits sont représentés par un nuage de points. Ces points sont des valeurs discrètes. Pour les intégrer dans un espace continu, il faut les lisser, ce que fait cet algorithme. Plus précisément, il balaie un territoire, et en chaque pixel d’un raster, il génère une valeur relative qui dépend du nombre de crimes sur un temps donné, et de leur proximité par rapport au pixel. » Au final, l’algorithme attribue à chaque pixel une variation colorimétrique en fonction de la densité de la criminalité. L’agrégation des données s’opère à un degré de résolution de l’ordre du pixel et ne dépend plus de frontières artificielles, mais de leurs véritables localisations. La carte peut être plus ou moins précise, selon la résolution des pixels, mais aussi de la taille de la fenêtre de lissage. « Plus cette fenêtre est grande, plus la surface va être lissée sur une grande distance. Il y aura donc peu de hot spots, qui seront assez gros. Ce qui donne une information moins précise, mais qui peut être utile si on cherche à dégrossir quelques zones à risque (analyse globale). A l’inverse, plus la fenêtre est petite, plus la résolution sera précise, et plein de petits hot spots vont apparaître. La carte sera plus précise, mais les données seront moins agrégées (analyse locale). » Il y a donc toute une série de paramètres qui ont un impact sur l’aspect visuel de la carte. L’important, comme dans beaucoup de domaines, est de trouver un juste milieu pour obtenir une image efficace.

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