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Polluants organiques: la mer boit la tasse
22/11/2011

Pour pousser plus loin les recherches, Joseph Schnitzler a entamé une collaboration avec l’université d’Anvers (Pr Ronny Blust), où il a eu la possibilité de travailler non plus avec des poissons prélevés dans un estuaire, mais sur des bars d’élevage. Une manière de limiter l’hétérogénéité des poissons étudiés. Dans le filet de pêche, le chercheur ne sait pas ce qu’il attrape : le poisson était-il malade ? S’était-il nourri correctement ? Autant de facteurs qui peuvent biaiser les résultats de l’étude. Dans un aquarium expérimental, les bars sont tous soumis aux mêmes conditions de vie : stress, nourriture, température, etc. Un peu comme des souris de laboratoire. Les chercheurs ont aussi pu doser la quantité de polluants imposés aux poissons : dans le premier aquarium, aucun polluant ; dans les deuxième, troisième et quatrième, une dose croissante correspondant à peu près à ce qu’on trouve dans les estuaires déjà étudiés (0,3 – 1 ppm); et dans le cinquième, une dose très élevée (10 ppm).

tapis roulant1Le microscope électronique a permis de visualiser avec une grande précision les cellules thyroïdiennes. « Plus l’aquarium est pollué, explique Joseph Schnitzler, plus les follicules sont de taille et de forme différentes. Mais seuls les poissons du cinquième aquarium enregistrent une chute de leur production hormonale. Dans tous les autres aquariums, on ne mesure pas vraiment de différence, sans doute en raison de l’effet de compensation décrit plus haut. » (5) On mesure aussi une augmentation de l’activité enzymatique transformant les hormones T4 en hormones T3, ce qui corrobore l’idée d’une tentative de compensation de l’organisme en proie aux polluants. Quant à la quantité d’hormones thyroïdiennes dans les muscles, on ne voit pas de différence à part dans l’aquarium numéro 5, le plus contaminé.

« Je ne cache pas que je m’attendais à ce que ces perturbations hormonales liées à la pollution provoque des effets plus spectaculaires sur les animaux, confie Joseph Schnitzler. Comme par exemple une différence de taille entre les poissons de l’aquarium non pollué et les autres. Mais il n’y en a pas. Cela dit, je crois qu’il en irait autrement pour des poissons vivant dans la mer. Car, eux, contrairement à nos bars « de laboratoire », ils ne peuvent pas se permettre de dépenser beaucoup d’énergie pour compenser les dégâts d’une pollution. En milieu naturel, il y a des besoins vitaux à satisfaire en permanence : trouver de la nourriture, échapper aux prédateurs, etc. »

Joseph Schnitzler compte maintenant étudier les effets de ces polluants organiques sur les larves de poisson (un projet FRFC vient d’être lancé avec les Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix de Namur (6)). Car c’est un moment clé pour le fonctionnement de l’hormone thyroïdienne. On peut faire l’hypothèse que les poissons provenant de ces larves polluées présenteront une série d’anomalies. Mais n’allons pas trop vite en besogne. Rendez-vous dans deux ou trois ans…

(5) Schnitzler, J., Celis, N., Klaren, P., Blust, R., Dirtu, A., Covaci, A., & Das, K. (2011). Thyroid dysfunction in sea bass (Dicentrarchus labrax): Underlying mechanisms and effects of polychlorinated biphenyls on thyroid hormone physiology and metabolism. Aquatic Toxicology, 105, 438-447.
(6) Recherche financée par le  F.R.S. –FNRS. Convention n° 2.4635.11. Transgenerational impacts of pollutants in aquatic vertebrates. Epigenetic, proteomic, endocrine and structural physico-chemical combined approaches (Coordinator Pr. F. Silvestre, FUNDP).

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