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Polluants organiques: la mer boit la tasse
22/11/2011

Lors des campagnes de pêche scientifique, les chercheurs ont jeté leurs filets dans cinq estuaires : la Gironde, la Charente, la Loire, la Seine et l’Escaut. « Les résultats sont clairs, commente Joseph Schnitzler : les poissons retirés de la Seine et de l’Escaut sont beaucoup plus contaminés par les PCB que les autres. » (3) Ce n’est pas étonnant vu que les bassins versants qui alimentent ces deux estuaires sont beaucoup plus peuplés et beaucoup plus industrialisés que les autres. Le bassin de la Seine, par exemple, couvre une superficie de près de 80.000 km2, un territoire grand comme trois fois la Belgique, avec 16 millions d’habitants et qui comprend 6 grandes villes dont Paris. Celui de la Gironde ne couvre qu’un territoire de 50.000 km2, avec moins de 3 millions d’habitants et seulement deux grandes villes dont Bordeaux. La comparaison avec des poissons prélevés en mer Méditerranée est aussi édifiante. Pour son mémoire de DEA en 2006, Joseph Schnitzler s’était rendu en Grèce pour étudier les taux de contamination du bar tant sauvage que d’aquaculture. « Ils sont incontestablement beaucoup plus élevés en Mer du Nord qu’en Méditerranée. » (4)

Des poissons qui luttent contre la pollution

Mais ces taux de PCB plus ou moins élevés entraînent-ils des anomalies au niveau de la thyroïde ? La santé du poisson est-elle dégradée ? Pour en avoir le cœur net, le chercheur liégeois a sorti son microscope. La thyroïde d’un poisson, c’est un peu comme une grappe de raisins. Elle est composée de plusieurs follicules qui, au microscope, ressemblent à des grains. A l’examen, les « grains » des poissons prélevés dans l’Escaut, très pollué, s’avèrent plus petits en moyenne que les autres. Ce qui suggère une plus grande activité thyroïdienne comparativement aux individus provenant des estuaires moins pollués.

Plus de pollution = Plus d’hormones ? Comment expliquer cette équation apparemment paradoxale ? « Ce serait un effet de compensation, avance Joseph Schnitzler, dans la mesure où la pollution entraîne par ailleurs une perte de rendement des hormones dans l’organisme. Les polluants, dont la forme est très semblable à celle des hormones, ont tendance à se fixer sur les protéines qui circulent dans le sang et à prendre leur place. Les hormones qui ne trouvent pas de protéines finissent par être évacués par les reins. Ce serait pour compenser cette perte de rendement provoquée par les polluants que les follicules de la thyroïde se préparent à synthétiser plus d’hormones. »
Thyroide
Le chercheur liégeois a également mesuré l’interaction entre des enzymes produites par le foie et une hormone synthétisée par la thyroïde (la T4). Cette activité enzymatique qui transforme une hormone de la thyroïde pour la rendre directement active dans l’organisme (transformation de T4 en T3) est doublée chez les poissons provenant des estuaires les plus pollués. « C’est à nouveau un indice, estime Joseph Schnitzler, que l’organisme essaye de compenser la perte de rendement hormonal provoquée par les polluants. »

(3) Schnitzler J., Thomé JP., Lepage M., Das K., Organochlorine pesticides, polychlorinated biphenyls and trace elements in wild European sea bass (Dicentrarchus labrax) off European estuaries Langue du document, Science of the Total Environment, Elsevier Science, 2011, 409, 19, 3680-3686. Consulter la publication dans ORBi
(4) Schnitzler J., Koutrarkis E., Siebert U., Thomé J-P., Das K. Effects of persistent organic pollutants on the thyroid function of the European sea bass (Dicentrarchus labrax) from the Aegean Sea, is it an endocrine disruption?, Marine Pollution Bulletin , 2008 :56, 10, 1755-1764. Consulter la publication dans ORBi

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