L’exploitation forestière, entre le marteau et l’enclume
Des moyens dérisoiresL’autre défi, dans ces régions reculées, réside dans l’absence d’efficacité de l’Etat et la corruption. Dans son minuscule bureau de Lomié (Département du Haut Nyong) criblé d’affiches sur la lutte contre le braconnage et la corruption, le chef de poste Léon Mtapié Djouedjeu pousse un profond soupir. Son rêve d’ingénieur des eaux et forêts est consigné dans le manuel de service qu’il glisse, un peu timidement, sous les yeux de ses visiteurs. S’y alignent, noir sur blanc, les nouvelles missions de contrôle récemment assignées à son office. C’est à lui et son équipe, en effet, que reviennent les tâches de surveillance administrative et sur le terrain dans toutes les forêts aux alentours. Mais quelle équipe, au juste? L’homme est seul, désespérément seul, pour contrôler un territoire de 13 000 kilomètres carrés, soit pas loin de la moitié du territoire belge ! C’est tout juste s’il peut compter sur un groupe de « stagiaires » : des collaborateurs permanents et… non rémunérés. Son véhicule professionnel ? Une moto, régulièrement en panne. Il n’a d’autre choix que de quémander aux exploitants - ceux-là même qu’il est censé contrôler - de mettre un véhicule à sa disposition… de plusieurs vagues de réformes, le bilan reste très mitigé. En 2006, déjà, des chercheurs européens avaient fait un constat cruel : chaque année, 540 000 mètres cubes de bois quittent la forêt camerounaise sans aucun contrôle ni suivi par l’Etat : le quart de la production nationale. Dans les quatre années qui ont suivi, une mission de surveillance de la gouvernance, cofinancée par la Commission européenne, n’a pas abouti à des conclusions plus enthousiastes. Si l’illégalité à nettement régressé au sein des concessions forestières attribuées aux sociétés étrangères et si les plans d’aménagement ont tendance à devenir la norme, le reste des activités menées en forêt semble s’opérer dans la plus grande anarchie : blanchiment de bois dans les forêts communautaires, absence de contrôles aux points névralgiques du transport, corruption et interventionnisme de la hiérarchie administrative et politique, inefficacité de la Brigade nationale de contrôle (BNS), défaillances dans la chaîne de traçabilité, fraudes fiscales généralisées, amendes rarement payées... Une véritable litanie, dénoncée dans les rapports de l’Observatoire indépendant des forêts. ![]() (1) « Déforestation : causes, acteurs et enjeux», Centre Tricontinental, septembre 2008 |
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