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Et la plante créa le bois
19/10/2011

Du bois pour respirer, pas pour résister

Cette découverte permet par ailleurs de confirmer l’hypothèse expliquant la sélection du caractère « bois ». Durant le Dévonien inférieur, les spécialistes ont pu observer une décroissance importante de la courbe du CO2 présent dans l’atmosphère. « Les plantes ont besoin de CO2 pour la photosynthèse ; pour faire entrer du CO2, les plantes doivent transpirer, c’est à dire évacuer des molécules d’eau, qui sont remplacées par l’air absorbé par la plante. Cet air contient un peu de CO2. Si la quantité de CO2 dans l’air diminue, les plantes qui transpirent plus, qui possèdent donc plus de cellules qui conduisent la sève, sont favorisées. C’est ce qui est arrivé aux toutes premières plantes ligneuses : elles ont utilisé le bois pour augmenter la conduction de l’eau et des sels minéraux qu’elle contient. A l’origine, le bois ne servait donc pas à favoriser la résistance, mais bien à conduire la sève. Au fil du temps, leurs descendantes ont mis à profit l’autre avantage que donne le bois : la résistance. Leur taille a augmenté et leur a permis de capter plus efficacement la lumière. Et, par conséquent, d’avoir plus de chances de se reproduire, de disperser leurs spores sur de plus grandes surfaces, et d’augmenter les chances de ces dernières de se déposer dans un biotope favorable. »  L’arbre était ainsi né. Désormais, la fonction secondaire a pris le pas sur la fonction primaire et seuls 5% du bois présent dans un arbre assurent encore la conduction.

L’arbre tel qu’on le connaît a donc profondément évolué. Suivant la même théorie, serait-il possible qu’il évolue encore ? Selon Philippe Gerrienne, il serait aujourd’hui arrivé à son stade final de développement, tout au moins au point de vue de la taille. « Certains séquoias géants mesurent plus de 100 mètres de haut. Au niveau de la taille, on pense que l’arbre a atteint son maximum. Pour une raison "technique" : la circulation de l’eau est rendue possible au sein des cellules grâce à la polarité des molécules d’eau, qui fonctionnent comme de petits aimants. Quand l’une sort et s’évapore, cela attire une autre molécule au niveau des racines. Ce processus fonctionne uniquement jusqu’à 130 mètres de haut. Au-delà, l’attraction entre les molécules d’eau n’est plus suffisante et la chaine de molécules se brise. »

Un fossile dans une botte de foin

Une chose est par contre certaine : il existe un ancêtre de l’arbre encore plus ancien que celui découvert par Philippe Gerrienne. En observant les différentes coupes transversales, le chercheur a en effet remarqué que certaines cellules du xylème secondaire se regroupaient pour former de plus grandes structures (voir illustration), ce qui leur permettait sans doute de stocker plus facilement leurs réserves. Ces structures sont les rayons du bois. Une caractéristique encore « discrète » sur les coupes transversales de ce fossile, mais que l’on retrouve de manière systématique chez ses descendants.

Les caractéristiques des plantes décrites par Philippe Gerrienne indiquent qu’elles sont sans doute les ancêtres des plantes à graines, mais en tout cas pas ceux de leurs cousines germaines, les fougères. Ce qui entraîne une autre interrogation : où est donc l’ancêtre des fougères ? Certainement enfoui sous terre, quelque part dans les vestiges du Gondwana, ce continent de l’hémisphère sud vieux de 600 millions d’années qui, avant de se disloquer, regroupait entre autres l’Afrique, l’Antarctique, l’Australie et l’Inde. Rien que ça. Autant chercher un fossile dans une botte de foin !

Philippe Gerrienne continuera ses explorations. On ne sait jamais. Mais il en doute : « C’est aussi le hasard qui dicte les découvertes. Tout a tellement été une question de chance ! C’est certainement quelqu’un d’autre qui le trouvera. »

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