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Et la plante créa le bois
19/10/2011
Le bois a pris un coup de vieux. Philippe Gerrienne, chercheur en paléobotanique à l’Université de Liège, a découvert deux fossiles de plantes datant respectivement de 407 et 397 millions d’années et contenant des traces de bois. Les plus anciennes jamais mises à jour ! Cette découverte fait ainsi reculer l’apparition du bois sur Terre d’une dizaine de millions d’années. Elle permet également de confirmer une hypothèse : le bois n’aurait pas été fabriqué par les plantes afin d’augmenter leur résistance et devenir des arbres, mais d’abord pour permettre une meilleure circulation de la sève. Les résultats de cette recherche ont été publiés dans la revue Science (1).
La plupart des découvertes sont souvent le fruit du hasard. Et si le chien du promeneur Marcel Ravidat ne s’était jamais engouffré dans les grottes de Lascaux ? Et si Wilhelm Röntgen n’avait jamais éclairé la main de son épouse avec les rayonnements qu’il avait baptisés « rayons x » ? Et si le laborantin Jim Slatters, occupé à élaborer un traitement contre les ulcères à base d’aspartame, ne s’était jamais humecté les doigts pour tourner la page de son carnet en s’étonnant de ce goût sucré ?
Et si Philippe Gerrienne n’avait jamais donné de coups de scie dans ces petits morceaux de grès ? Des cailloux foncés, presque noirs, a priori insignifiants. Très différents des fossiles avec lesquels le paléobotaniste a l’habitude de travailler. « Un collègue géologue français m’avait donné ces pierres il y a six ou sept ans, lors d’un congrès. Il les avait trouvées dans la carrière de Chateaupanne, près d’Angers », raconte ce chercheur du FNRS, enseignant au sein du Département de Géologie de l’Université de Liège. « Je les avais laissées dans un coin, puis j’avais presque oublié qu’elles se trouvaient là. »
Jusqu’au jour où, pris d’une envie de grand rangement, il se met à trier ses armoires et retombe sur ces petits bouts de pierre. Il décide de les scier. Juste au cas où, « par acquis de conscience. » Les premières coupes ne révèlent rien de très intéressant. Il continue ses coups de scie. Au bout de quelque temps, il observe une minuscule tâche blanchâtre, là, au milieu de la roche noire. Un ou deux millimètres, pas plus. Presque invisibles à l’œil nu d’un quidam. Mais qui n’échappe pas au regard avisé de Philippe Gerrienne. Il vient de découvrir la plus ancienne trace de bois jamais trouvée.
Le fossile de cette plante (qui ne possède pas encore de nom) est âgé de 407 millions d’années. La plante mesure entre dix et vingt centimètres de haut et sa tige – encore moins épaisse qu’une brindille – produit, à 120 degrés l’un de l’autre, des « systèmes latéraux » (les ancêtres des feuilles). A priori, la ressemblance avec les arbres qui peuplent aujourd’hui jardins et forêts est loin d’être flagrante. Et pourtant… « Auparavant, la plus vieille plante contenant des traces de bois était l’Aneurophyton, qui a vécu voici 390 millions d’années, décrit-t-il. On se doutait qu’il existait certainement une plante encore plus ancienne, car Aneurophyton était déjà grand, il ressemblait à un petit arbuste. C’est une question qui taraudait pas mal de chercheurs. »
(1) Philippe Gerrienne, Patricia G. Gensel, Christine Strullu-Derrien, Hubert Lardeux, Philippe Steemans, Cyrille Prestianni, A Simple Type of Wood in Two Early Devonian Plants, Science 333, 837 (2011)
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