Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Des réacteurs jetables
18/06/2015

Les réacteurs « kleenex », une alternative économique à l’inox

La fin des années 1990 a vu émerger comme alternative les réacteurs « kleenex », pour reprendre l’expression de Dominique Toye. « L’avantage de ces réacteurs était principalement économique. L’absolue nécessité d’un milieu stérile est une véritable contrainte. Les processus de nettoyage des cuves entre deux cultures sont coûteux en produits, en eaux, en énergie, en temps, un lourd dispositif de vérification doit être mis en place pour s’assurer de l’absence de déchets ou de défauts de stérilité jusque dans les moindres recoins… Un réacteur qu’on jette après un seul usage évite ce genre de complications. » Le procédé est relativement simple. Il s’agit de poches en plastique souple, stérilisées par irradiation, qui sont placées dans des supports  en inox et ne sont utilisées qu’une seule fois pour mener la culture. Elles sont pourvues des mêmes périphériques que ceux des réacteurs classiques, de connexions  pour les sondes de mesure du taux d’oxygène, du pH, d’entrées pour injecter tout ce qui est nécessaire à la régulation du milieu, au prélèvement, et enfin, d’un agitateur. Ces réacteurs, légers et amovibles, peuvent ensuite servir à déplacer la culture, sans devoir transvaser le contenu dans un récipient supplémentaire.

L’apparition de ces réacteurs « kleenex » n’a pas été un succès immédiat. Les protocoles en place dans la chaîne de fabrication de médicaments sont intransigeants, pour des raisons évidentes. « Transposer un équipement prévu au départ pour la fabrication d’un médicament particulier par un autre type d’équipement n’est pas aisé, explique la chercheuse. Il faut pouvoir démontrer que les conditions de chacune des étapes de la fabrication sont équivalentes. En plus, toute nouveauté suscite de la méfiance. Le milieu de l’industrie est peu enclin à modifier des procédures qui fonctionnent, surtout quand ça implique de remplacer un certain nombre d’équipements. » Mais aujourd’hui, les réacteurs à usage unique semblent avoir fait leurs preuves, et de plus en plus de sociétés se tournent vers eux.

Un réacteur rectangulaire plutôt que cylindrique

La principale réserve de GSK vis-à-vis du bioréacteur était relative à sa forme. Ce réacteur a en effet deux caractéristiques pour le moins originales. Il est parallélépipédique, et la pale d’agitation, qui ressemble davantage à une pagaie ou à une queue de castor, plutôt que de tourner autour d’un axe vertical, effectue un mouvement elliptique. Il fallait donc vérifier que pour un même déploiement énergétique, le réacteur assurait un mélange aussi homogène que les réacteurs cylindriques, qu’ils soient en inox ou à usage unique. En d’autres termes, l’objectif était de vérifier que le fluide ne stagnait dans aucune zone du réacteur, et que la quantité d’énergie déployée pour l’agiter était au mieux égale à celle nécessaire pour les réacteurs classiques. « Bien sûr, pondère Dominique Toye, la société avait déjà réalisé des essais de cultures, et affichait des performances intéressantes. En plus d’éluder l’inconvénient du nettoyage des cuves classiques, le Nucleo semblait, à performance égale, consommer moins d’électricité. Mais elle n’avait a priori pas les moyens expérimentaux pour objectivement démontrer que les vitesses d’écoulement du fluide et la qualité du mélange étaient optimales. » Pour une telle caractérisation de l’hydrodynamique, il fallait aller voir à l’intérieur.

Des lasers au service d’une étude de vélocimétrie

Pour caractériser l’homogénéité du liquide, les chercheurs ont utilisé une technique de vélocimétrie. La vélocimétrie est la mesure de la vitesse d’un liquide. « La vitesse, explique Dominique Toye, c’est un déplacement divisé par un temps. Pour calculer la vitesse du liquide dans ce réacteur, nous l’avons rempli d’eau et de fines particules fluorescentes, qui allaient suivre l’écoulement. Nous avions besoin d’un liquide transparent, et l’eau présente les mêmes propriétés d’écoulement (densité, viscosité, …) que les milieux de culture de cellules. Donc il n’y avait pas de risques de biais. Nous avons placé deux caméras en direction de la cuve, pour avoir une vision stéréoscopique, qui nous permettait de caractériser nos observations dans les trois axes de l’espace. Ensuite, nous avons éclairé à l’aide d’un laser un plan de l’intérieur de la cuve à des intervalles de temps bien précis. A chaque pulse du laser, les particules fluorescentes émettaient un rayonnement qui nous permettait de les localiser, et donc de tracer leur déplacement. Nous connaissions alors la différence de temps et la distance parcourue par les particules. Nous pouvions calculer leur vitesse de déplacement, et donc celle du liquide. En répétant l’expérience sur différents plans, nous pouvions contrôler la variation de la vitesse en fonction des zones de la cuve, et voir si le liquide voyageait bien partout. »

ecoulement liquide bioracteur

Page : précédente 1 2 3 suivante

 


© 2007 ULi�ge