Quand le Mouvement wallon se fait populaire
Il faut en effet attendre le Mouvement Populaire Wallon d’André Renard pour que l’homme de la rue se sente véritablement concerné par le Mouvement wallon. Orateur né, Renard, qui occupe également le poste de secrétaire général de la FGTB, touche les foules, bien qu’il ait plus de mal à réunir les intellectuels autour de son mouvement. Véritable machine à opinions, son mouvement créera le terreau favorable à la politique wallonne.
À cette époque, Wallonie Libre est en état de léthargie, notamment sur le plan financier. « Les membres de Wallonie Libre sont des passionnés, mais ce ne sont pas des gestionnaires. Les abonnements au journal et les affiliations au mouvement sont en baisse constante. En 1960, leurs comptes sont dans le rouge. Ils sont en mauvais état financier et humain, ne savent plus trop pourquoi se réunir », décrit Vincent Genin. Les militants assistent, impuissants, à l’apparition du Mouvement Populaire Wallon au lendemain de la grande grève de l’hiver 1960. Beaucoup de membres de Wallonie Libre s’affilient alors à ce nouveau mouvement populaire. Alors que certains militants voient d’un mauvais œil la double appartenance, en voyant dans Renard un révolutionnaire – « certains militants wallons traditionnels étaient de vrais réactionnaires » - , d’autres cherchent à créer une certaine osmose entre les deux mouvements. Une fois encore, le mouvement wallon est loin d’être uni, malgré l’image véchiculée jusqu’ici par certains historiens complaisants à l’égard du mouvement wallon. « Pour eux, Renard est le continuateur de ce mouvement traditionnel; erreur, les archives le disent clairement : il en est le fossoyeur ».
Les deux mouvements restent indépendants mais redessinent de 1960 à 1963 l’échiquier wallon. Fernand Schreurs, avocat liégeois et grand conciliateur, crée le Comité central d’Action Wallonne, qui remplace l’ancien Congrès National Wallon. Cette tentative d’union passe inévitablement par le Mouvement Populaire Wallon, devenu un acteur incontournable à partir de 1961, tant il est puissant et populaire. Ce comité, voué à l’échec, dure 2 ans. Le militantisme s’éteint peu à peu.
La mort du militantisme
Dès 1963, le militantisme laisse peu à peu sa place à un esprit de compromis, ouvrant la voie vers la politisation.
Depuis toujours, le militant dur est en effet quelqu’un de passionné, suivant son mouvement de manière aveugle et sans esprit de compromis. Tant du côté de Wallonie Libre que de celui du Mouvement Populaire Wallon, ce genre de personnage, prêt à ne rien concéder, disparaît peu à peu à partir de 1963, laissant la place aux politiciens wallons. De leur côté, les groupes de pression wallons se dissipent progressivement, signant la mort du militantisme en Wallonie.
Parallèlement, on assiste à la naissance des premiers partis wallons en 1964 : le Parti wallon des travailleurs, le Front wallon et, un peu plus tard en 1968, le Rassemblement wallon. Malgré l’important effet d’annonce autour de ces nouveaux partis wallons, le succès n’est pas au rendez-vous. Né dans un contexte particulier, à l’époque où de Gaulle est remis en question en France, le Rassemblement wallon aura néanmoins quelques élus siégeant à la Chambre.