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La mort du militantisme wallon
07/05/2015

L’ennemi bruxellois

Carte WallonieDans ses plans de découpage du pays, Wallonie Libre ne tient pas compte de la capitale. La doctrine que le mouvement défend majoritairement est celle de l’égalité Wallons-Flamands au Parlement. Option qui omet de prendre en compte Bruxelles.

« Les militants de Wallonie Libre méprisent les gens de la capitale, expose Vincent Genin. Leur vrai ennemi est le Bruxellois, surnommé le “Beulemans“. Il incarne tout ce que ces Wallons détestent : le bilinguisme et le mélange – ils aiment ce qui est pur, authentique et non multiculturel. Bruxelles est même surnommée la « cité monstrueuse », au sens de ce qui n’est pas humain. »

De même, le Benelux est un amalgame, que rejettent les militants wallons de Wallonie Libre. Le Benelux rappelle le régime hollandais (1815-1830) et est l’expression d’un ensemble multilingue dans lequel dominent les Pays-Bas. Il a de plus été imaginé par un Bruxellois, ennemi du mouvement wallon, Paul-Henri Spaak, ayant lancé : « un Wallon qui se dit Wallon m’embête ».

Par contraste, et de manière un peu paradoxale, les militants de Wallonie Libre entretiennent d’excellents liens avec les militants flamands. Un collège réunissant Wallons et Flamands se réunit régulièrement. La plupart du temps, ce sont les militants flamands qui sont demandeurs de réunions avec les Wallons. « Quinze ans à peine après la guerre, les militants wallons ne veulent cependant pas trop ébruiter cette collaboration avec les Flamands, dont certains ont été des inciviques frappés par le code pénal (art. 123 sexies) », ajoute l’historien.

Ce rapprochement, à première vue surprenant, est une forme de Realpolitik. Les deux camps, qui partagent un même objectif d’autonomie, se veulent pragmatiques. De plus, les militants flamands fascinent quelque peu les Wallons. En effet, depuis 1954, les Flamands disposent d’un parti communautaire, la Volksunie, qui a des élus.

Le tournant des années 1960

Divers événements vont accompagner l’extinction du militantisme wallon, qui intervient à une période que les historiens qualifient de tournant dans l’histoire de la Belgique. À la fin des années 1950, l’Etat belge vit ses premières secousses communautaires, qui mèneront à la fédéralisation de 1971. L’époque est également celle de la perte du Congo, qui n’est pas encore vue de façon positive, ou encore d’une nouvelle définition du rôle de la monarchie. Sur le plan symbolique, l’Exposition universelle de 1958 représente elle aussi une nouveauté. Enfin, survient la grande grève de 1960-1961, qui marquera les esprits.

Wallonie Libre et le mouvement wallon en général ne sont cependant pas des acteurs majeurs de ce tournant. En effet, le mouvement a du mal à créer l’événement et a plutôt tendance à se laisser influencer par le contexte politique.

En 1961, le militantisme wallon connaît une véritable crise existentielle. En 1959 déjà, le Congrès National Wallon n’attire plus les foules et manque de peu d’être annulé, faute d’inscrits. Wallonie Libre apparaît pour sa part comme un mouvement déconnecté de la Wallonie. En témoigne la fermeture des charbonnages de Liège, en 1958, à laquelle les militants – essentiellement des avocats et des médecins issus de la bourgeoisie – ne daignent pas s’intéresser, de peur de laisser une mauvaise image de leur ville.

De forts antagonismes opposent par ailleurs les militants de Wallonie Libre, dont les opinions politiques divergentes finissent souvent par émerger (malgré le caractère apolitique du mouvement). Incapable de défendre une position claire et homogène face à l’actualité mouvementée, le mouvement est divisé. Des luttes intestines opposent par ailleurs régulièrement Liégeois, Carolos et Bruxellois. Et en 1961, un nouveau venu vient bousculer l’échiquier wallon : le Mouvement Populaire Wallon.

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