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La mort du militantisme wallon
07/05/2015

Paradoxal à plus d’un titre, le mouvement wallon connaît une histoire tumultueuse. A la fois composante et revue emblématique de ce mouvement, Wallonie Libre est créé à l’aube de la Seconde Guerre mondiale pour défendre l’idée wallonne. Dans un ouvrage intitulé La mort du militantisme wallon ? Quand le Coq rentre au poulailler, Vincent Genin, doctorant en Histoire à l’Université de Liège, retrace l’évolution de ce mouvement, mettant particulièrement l’accent sur les années 1958 à 1963, un tournant dans l’histoire politique de notre pays.

COVER Militantisme wallonApparu dans le courant des années 1880, le mouvement wallon est une réaction au mouvement flamand né une dizaine d’années auparavant. Il est le fait de dialectologues, de linguistes, d’historiens et de romanistes, bref d’intellectuels qui s’interrogent essentiellement sur le sens et l’origine du mot « wallon ».

Malgré son caractère clairement intellectuel, le mouvement wallon est décrit – à tort – par certains comme ayant été un mouvement populaire dans les années 1920-1930. « Prenez le Liégeois type de 1928-29. Il décline son identité de deux manières : d’une part, en évoquant sa ville, Liège, ou parfois même son quartier. D’autre part, en désignant son Roi, Albert I. Mais il n’y a pas de place dans le cœur populaire pour le côté wallon. Le mouvement wallon est l’affaire d’une minorité, d’intellectuels » explique Vincent Genin dans son ouvrage (1) consacré au mouvement wallon et plus particulièrement à l’évolution d’une de ces organisations internes, Wallonie Libre.

Le mouvement wallon et Wallonie Libre

Au sein du Mouvement wallon, Wallonie Libre occupe une place de choix, celle d’un groupe jouissant d’une autorité morale. Proposant un message proche de celui du général de Gaulle, il apparaît dès juin 1940 pour défendre l’idée wallonne et résister à l’occupant. Une revue du même nom est également publiée par cette organisation du Mouvement wallon. Berceau d’un militantisme wallon très actif, Liège occupe une place centrale au sein de Wallonie Libre.

Sur le plan idéologique, Wallonie Libre, qui se veut apolitique et pluraliste, mêle libéraux, socialistes et communistes en son sein. « Ces hommes oublient leur identité politique pour mettre en avant un point commun : leur identité wallonne. Avec cependant un revers : dans les années 1960, lorsque l’actualité est intense, les identités politiques ressortent et ont tendance à freiner le mouvement, ce qui mènera à sa crise existentielle»,  explique Vincent Genin.

Le pluralisme de Wallonie Libre rend difficile les prises de position claire et homogène au sein de cette organisation, en compliquant également la définition. Les opinions personnelles des militants divergent, allant même parfois jusqu’à s’opposer. Ce trait, qui sera parfois un frein à l’évolution de Wallonie Libre, lui octroie cependant une certaine souplesse, conférant une grande liberté d’appartenance à ses militants.

Si Wallonie Libre se réclame comme étant une organisation faisant partie du Mouvement wallon (au même titre, comme nous le verrons plus loin, que le Mouvement Provincialiste ou le Mouvement Populaire Wallon), le Mouvement wallon en lui-même n’existe pas, si ce n’est à travers un événement : le Congrès National Wallon.

L’ensemble du Mouvement wallon a pour base une succession de congrès wallons, dont le plus important se déroule à Liège en 1945. Fort d’un véritable succès de participation, le premier congrès de l’après-guerre marque les foules et la politique wallonne. Il vise à définir un choix entre trois positions : l’indépendance de la Wallonie, le rattachement à la France ou le maintien de l’Etat unitaire avec une Wallonie disposant de plus de libertés. Toute une série de Congrès suivront, rassemblant de moins en moins de monde, jusqu’à l’échec cuisant de celui de 1959.

À l’issue du Congrès de 1945, la doctrine défendue par la majorité des organisations du Mouvement wallon est celle d’un Etat fédéral, bien que quelques esprits minoritaires soient plutôt rattachistes. Au sein de l’option fédérale, plusieurs tendances s’opposent : alors que la plupart sont favorables à un Sénat paritaire et donc à l’égalité Wallons-Flamands au Parlement, d’autres optent pour un Sénat géographique. Cette dernière option, qui vise à laisser plus de place aux provinces, est défendue par le Mouvement Provincialiste, une autre organisation du Mouvement wallon composée essentiellement de Luxembourgeois.

Faisant office de groupe de pressions, Wallonie Libre pousse pour sa part les politiciens à opter pour plus de fédéralisme.

 (1) V. Genin, La mort du militantisme wallon ? Quand le Coq rentre au poulailler (1958-1963), Province de Liège - Musée de la Vie Wallonne , 2015

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