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Retraite professionnelle et maladie d'Alzheimer 
14/04/2015

À l'issue de leurs travaux, Lupton et ses collaborateurs arrivaient à la conclusion que chaque année supplémentaire de travail permet de différer l'âge d'entrée dans la maladie d'Alzheimer de 0,13 an, c'est-à-dire d'environ un mois et demi. Toutefois, il apparut à Catherine Grotz et aux coauteurs de l'article paru dans PLoS One que l'étude britannique, quoique intéressante en soi, prêtait le flanc à des critiques méthodologiques. Et tout d'abord, le fait que, dans l'échantillon sélectionné par Lupton (382 individus) à partir d'une banque de données comportant 938 personnes, ne figurait aucune femme. Non seulement leur exclusion de l'étude diminuait la taille de l'échantillon, mais empêchait aussi de généraliser les résultats recueillis.

ICTUS Alz Analyse globaleUne seconde limite relevée dans le papier de Lupton est qu'il est difficile d'y déterminer sur quel paramètre repose l'apparition de la maladie d'Alzheimer : l'âge de la manifestation des premiers symptômes (un paramètre subjectif, autorapporté) ou un paramètre plus objectif, plus fiable : l'âge des sujets au moment du diagnostic.

Deux biais majeurs

Mais, plus fondamentalement, l'étude dirigée par le chercheur du King's College London est entachée de deux biais. Le premier concerne la sélection de l'échantillon. En effet, ne sont pris en considération que les individus ayant reçu un diagnostic de maladie d'Alzheimer, à l'exclusion de la population âgée normale.

Par ailleurs, afin de s'assurer que c'est bien la retraite qui a un impact sur l'âge d'entrée dans la pathologie et non l'inverse - des personnes auraient pu quitter le monde du travail en raison de troubles cognitifs  préalables (causalité inverse) -, Lupton et ses collaborateurs ont exclu de leur échantillon tous les individus chez qui un diagnostic de maladie d'Alzheimer avait été posé avant leur départ à la retraite. Cela n'est pas suffisant pour rendre compte de la  de la causalité inverse, d'autant qu'il a été démontré que la phase prodromique de la maladie pouvait débuter jusqu'à 10 ans avant que le diagnostic de démence ne fût émis(3).

« Avec une telle stratégie de sélection, les chercheurs britanniques ont généré une surestimation de l'effet de la retraite sur l'apparition de la maladie d'Alzheimer, commente Catherine Grotz. De fait, si l'on applique les deux conditions qu'ils ont définies (inclusion de patients Alzheimer qui sont diagnostiqués après être partis à la retraite), un travailleur ayant quitté l'univers professionnel à 60 ans, par exemple, ne peut développer la maladie d'Alzheimer qu'après 60 ans, tandis qu'un autre qui a exercé son métier jusqu'à 65 ou 70 ans ne peut la développer qu'après cet âge. En d'autres termes, ceux qui partent plus tard à la retraite sont nécessairement aussi ceux qui ont la probabilité la plus élevée de recevoir le diagnostic de maladie d'Alzheimer à un âge plus avancé. »

Lupton revisité

À la lumière de ces éléments, Catherine Grotz et ses collaborateurs s'étaient fixé pour objectif d'étudier l'association entre l'âge de la retraite et celui de l'émergence éventuelle de la maladie d'Alzheimer en prenant en considération les deux biais qui pouvaient expliquer les résultats présentés par Lupton en faveur de l'hypothèse de la réserve cognitive.

(2) Lupton MK, Stahl D, Archer N, Foy C, Poppe M, et al. (2010) Education, occupation and retirement age effects on the age of onset of Alzheimer's disease. Int J Geriatr Psychiatry 25: 30-36.
(3) Amieva H, Le Goff M, Millet X, Orgogozo JM, Peres K, et al. (2008) Prodromic Alzheimer's disease: Successive emergence of the clinical symptoms. Ann Neurol 64: 492-498.

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