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La reconnaissance des « Justes » : un processus mémoriel délicat
12/03/2015

Le processus mémoriel

Memorial des enfants Yad Vashem

Qu’en est-il du processus mémoriel relatif à l’action du réseau Van den Berg ? Avant que le titre de Juste ne soit créé en 1963, quelques timides tentatives de reconnaissance voient le jour à l’issue de la guerre.

Déjà en 1944, la presse liégeoise, sous la plume de la catholique « Gazette de Liège », fait allusion à Kerkhofs et à son action en faveur des Juifs. Immédiatement après la guerre, en 1946, débutent les premiers témoignages publics de reconnaissance en faveur de l’évêque. Certaines associations juives se manifestent, affirmant leur reconnaissance aux sauveurs. Le besoin d’honorer est présent mais il est non-officiel et son impact est mineur.

S’en suit, dans les années 1950, une période de silence, un vide mémoriel, où prévaut une volonté de tourner la page, de ne plus aborder les événements de la Seconde Guerre mondiale. Les soldats, tout comme les Juifs, font preuve d’une certaine réticence à parler de ce qui s’est passé pendant la guerre, probablement de peur de ne pas être pris au sérieux.

Cette longue période de silence est l’occasion pour l’abbé Jamin de réécrire les événements qui se sont déroulés à Banneux de 1942 à 1944. Considérant que les Juifs font preuve d’ingratitude à son égard, Jamin met en avant les sacrifices consentis lors des différents sauvetages ainsi que le coût de son œuvre de charité durant la guerre, sous-entendant que les juifs lui doivent de l’argent.

En 1960, une première initiative pour honorer les sauveurs prend place à Banneux : la construction d’une stèle en hommage à Van den Berg, l’avocat sauveur, financée par la communauté israélite de Liège. C’est aussi l’époque à laquelle est créé le titre de Juste parmi les Nations, au départ relativement méconnu.

Depuis la fin des années 1970, les questions liées à la déportation reviennent sur la table, les historiens s’en emparent. Le titre de Juste est plus facilement octroyé. Les forces se mobilisent pour évoquer les sauvetages.

Le processus mémoriel prend ainsi plusieurs formes : « Il y a une mémoire de pierre, de papier et de ciseaux, sans mauvais jeu de mot, ainsi qu’une mémoire symbolique. La mémoire de pierre est représentée par la stèle. Les écrits du chanoine de Banneux, contant ses actes de sauvetage, forment le papier. Les ciseaux sont les coupes sombres, qu’il réalise dans ses écrits en vue de les faire publier dans la presse. Enfin, Yad Vashem, le titre de Juste et l’arbre planté dans l’allée des Justes à Jérusalem sont la mémoire symbolique de ce processus », décrit Vincent Genin.

Dans les années 1980, des journalistes constatent que Yad Vashem compte peu de Belges parmi les Justes (415 seulement) alors que près de la moitié des Juifs belges ont été sauvés. La mauvaise visibilité du titre et la démarche requise pour y accéder – rappelons qu’il faut réclamer cet honneur– sont pointés du doigt. En réaction, Yad Vashem accélère l’octroi du titre aux Justes belges, démontrant à quel point un regard critique doit être porté sur le nombre de titres octroyés, ceux-ci étant conditionnés à la politique d’Israël.

Aujourd’hui, le processus de reconnaissance s’accélère, les sauveurs étant pratiquement tous morts et les sauvés vieillissant eux aussi cruellement. Le nombre de Justes croît de manière sensible. Le facteur générationnel y contribue : les enfants des sauveurs et des sauvés ont atteint l’âge adulte et deviennent les principaux moteurs de la reconnaissance.

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