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L’huître, caisse de résonance
03/03/2015

L’activité nocturne et ses limites pour l’observateur

Si la presque totalité des sons enregistrés l’ont été de nuit et autorisent les chercheurs à orienter leur fonction autour du cycle de reproduction, cette production ciblée dans le temps pâtit d’un inconvénient de taille. « Nous n’avons pas la moindre idée de ce qui se passe au moment où ils produisent ces sons, déplore le jeune chercheur. Nous ne pouvons définir de comportement associé, vu que nous ne pouvons les observer. Nous avons pu filmer une émission de son en journée, c’était depuis l’intérieur d’une huître. Mais nous ne savons pas par exemple s’ils produisent également des sons en eau libre. » Une autre zone d’ombre est liée à une découverte ultérieure sur la morphologie de ces poissons. Selon le genre, la morphologie du rocker bone varie. Il est plus petit chez la femelle, la forme est différente, et le muscle sonique ne s’attache pas aux mêmes points de la structure osseuse que chez le mâle. « Les différences semblent ténues, mais laissent penser que le mécanisme ne fonctionne pas tout à fait de la même manière. Et pourtant, nous n’avons pas enregistré une variété de sons de natures différentes. Nous avons remarqué des variations de pulsation, mais c’était toujours le même type de sons ». Des observations qui conduisent à deux hypothèses. Soit les différences morphologiques entre les deux sexes n’ont pas un effet remarquable sur les caractéristiques des sons émis, soit l’un des deux genres seulement a émis des sons durant l’enregistrement. Auquel cas, les chercheurs devraient réaliser d’autres missions pour chercher à collecter d’autres types de sons.

« Il faut maintenant investiguer davantage tout ce qui est de l’ordre du comportement autour de la production de sons. Mais pour ça, nous devons pouvoir les observer. » L’opération pourrait sembler évidente. Il suffirait de poser des caméras infrarouges de nuit, et le tour serait joué. Un dispositif élémentaire en laboratoire, mais bien plus compliqué à mettre en place sur un atoll isolé au milieu de l’Océan pacifique. Ramener des poissons vivants n’est pas une solution plus évidente. Grand de ses huit centimètres et épais d’un peu plus d’un centimètre, l’Onuxodon est loin d’être l’espèce la plus robuste du monde sous-marin. Il semble compliqué d’infliger à ce poisson chétif un voyage aussi long.

Atoll Makemo

Des limites de l’aquarium à une longue propagation en lagon 

Les études en aquarium ont tout de même présenté certains avantages. Elles ont notamment permis d’attribuer sans risque de se tromper toute émission de son à l’espèce étudiée. Mais elles ont surtout montré leurs limites. Elles ne reflètent pas les conditions réelles de l’environnement du poisson, ni la manière dont il y évolue. « Et l’aquarium pose de vrais problèmes de résonance, qui causent un bruit de fond constant et distordu, ponctue Loïc Kéver. C’est ce qui a poussé Eric Parmentier à retourner à Makemo l’année qui a suivi notre mission, et à procéder à des enregistrements dans le lagon, cette fois ». 

L’opération a notamment permis de confirmer que les Onuxodon émettaient des sons du crépuscule au matin, mais pas seulement. Les biologistes ont également observé que les pics enregistrés étaient suivis de seconds pics plus faibles, mais similaires. En tenant compte de la profondeur à laquelle se trouvaient les huîtres, une vingtaine de mètres, et de la vitesse de propagation du son dans l’eau, à savoir 1500 mètres par seconde, ils ont pu déduire que le temps qui s’écoulait entre les deux pics enregistrés était celui nécessaire au son pour parcourir l’aller-retour depuis le lieu d’émission jusqu’à la surface. « Le premier son enregistré venait donc directement du poisson. Mais le son se propage dans toutes les directions. Il ne va pas uniquement vers l’hydrophone. Quand il arrive à la surface, il est en grande partie réfléchi, un peu comme la lumière sur un miroir, repart dans l’autre sens, et est alors enregistré une seconde fois. Ce qui était surprenant, pour un si petit poisson, c’était qu’il puisse émettre un son suffisamment puissant pour parcourir une telle distance, soit une quarantaine de mètres. »

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