En ce qui concerne les étrangers séjournant en Belgique depuis 5 ans, le nouveau Code modifie profondément leur statut. En effet,auparavant ils devaient justifier d’une période de résidence de 7 ans, mais n’étaient soumis à aucune condition liée à l’intégration. Désormais, ils sont tenus de prouver aussi bien leur intégration linguistique que leur intégration sociale, et leur participation économique. La réforme instaure un système fermé en ce qu’elle ne laisse pas le candidat à la nationalité libre de démontrer son intégration à ces différents niveaux comme il l’entend, et en fournissant les pièces qui, de son point de vue personnel lui sembleraient pertinentes. Prenons l’exigence d’intégration économique : en tant que travailleur salarié dans le secteur privé ou dans la fonction publique, il faut pouvoir justifier d’au moins 468 journées de travail sur une période de 5 ans précédant la déclaration. Si le ressortissant étranger a exercé sa profession comme indépendant, on attend de lui qu’il se soit acquitté des cotisations sociales trimestrielles pendant au moins six semestres au cours de la même période de 5 ans précitée. Les choses sont plus complexes si une formation a été suivie puisque la durée de celle-ci peut être déduite de la durée requise d’activité professionnelle. Une telle exigence de participation économique semble à elle seule mettre en péril les chances d’un étranger d’accéder à la nationalité belge. Personne ne va sans savoir que le taux d’emploi est très faible parmi la population d’origine étrangère en Belgique, justement parce que l’acquisition de la nationalité belge peut s’avérer déterminante pour accéder au marché du travail. Pour autant, cette critique est à nuancer à partir du moment où il n’est pas imposé d’avoir occupé une activité professionnelle à temps plein, pendant 5 ans. « C’est à la fois ambitieux et réaliste compte tenu des chiffres du chômage. »
Dans le cas de l’étranger séjournant en Belgique depuis 10 ans, le législateur a de nouveau cherché à respecter un équilibre. « Dix ans équivalent à une période très longue, maximale au sein des Etats membres de l’Union européenne. Le législateur a donc considéré qu’il n’était pas nécessaire d’exiger d’intégration économique et que cette période suffisait à justifier l’obtention de la nationalité belge. On sait très bien que dix ans de séjour légal reviennent au total à quinze ans de présence sur le territoire. En général, c’est après cinq ans de séjour légal que l’on reçoit un titre de séjour illimité et que la période de dix ans commence à courir. »
Ne nous leurrons pas : un séjour de cinq ans avec intégration économique représente l’hypothèse reine aux yeux du législateur, celle qu’il a bien l’intention de privilégier à l’avenir. « Si on pouvait réaliser dans quelques années une étude sociologique des personnes qui ont pu devenir belges, on trouverait que ce sont des personnes qui travaillent, qui ont des revenus suffisants, et sans doute aussi qui ne viennent pas de certaines régions du monde . Ce sera beaucoup plus difficile pour les réfugiés en provenance d’Afghanistan ou de Syrie qui devront attendre au moins douze, treize ans avant de pouvoir entreprendre des démarches pour devenir belges. C’est très long dans une vie ! »
On ne peut donc que se réjouir que le compromis politique ait mené à un certain équilibre entre exigences et possibilités d’accès à la nationalité. Par ailleurs, l’équilibre se constate encore à un autre niveau : celui d’une plus grande sécurité juridique pour le candidat. Certes, celui-ci doit se conformer point par point aux éléments qu’on lui demande de fournir afin de prouver son intégration mais d’un autre côté, pour chaque condition, le législateur énumère les catégories de documents et autres attestations qui sont recevables au titre de modes de preuve. Il s’agit donc d’une réglementation instaurant un système fermé dans lequel les seuls documents admissibles sont ceux limitativement énumérés. L’interprétation n’est par conséquent pas de mise ni du côté du candidat, ni du côté des autorités. Chacun sait à quoi s’attendre. « Ce mode d’emploi très clair procure une sécurité juridique. »
Cette sécurité juridique se nourrit également du fait que l’acquisition par déclaration est devenue le droit commun et la naturalisation, l’exception. « La naturalisation a quasiment été supprimée. Auparavant, c’était des milliers de dossiers qui parvenaient à la Chambre, jusqu’à 20.000 par an. Ce système était dénué de toute sécurité juridique. Le candidat se prêtait à une pure loterie, au fait du prince, à l’arbitraire ». Aujourd’hui, la naturalisation est réservée à une élite ayant fait preuve de mérites exceptionnels dans les domaines scientifique, sportif ou socio-culturel. On attend d’elle de « pouvoir apporter une contribution particulière au rayonnement international de la Belgique »(13). La naturalisation ne doit pas forcément être vue comme un régime de faveur accordé à cette élite car la nouvelle version du Code demande aux personnes concernées d’expliquer pourquoi il ne leur est pas possible d’entreprendre la procédure d’acquisition par déclaration.