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Le droit de la nationalité en Belgique
09/02/2015
Séjour légal et travail, voilà les actuels et futurs piliers de la nationalité belge lorsqu’elle est attribuée à un ressortissant étranger. Ces critères ne sont pas si banals que cela au regard de la pratique en cours en Belgique avant la réforme du 4 décembre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013. Ils participent à la fin d’une période de grâce réelle ou supposée au cours de laquelle il était en apparence du moins aisé de devenir belge . Il faut désormais considérer l’obtention de la nationalité belge comme le Graal que l’on obtient au bout d’un chemin souvent long et semé d’embûches. Pour autant, la réforme de 2012 ne doit pas être lue comme pénalisant forcément les personnes immigrées. Au contraire, Patrick Wautelet, Professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Université de Liège, pointe dans sa contribution à l’ouvrage Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, qu’il a dirigé par ailleurs, les apports positifs de la réforme. Ils se résument dans un seul mot : équilibre. Car si les autorités sont plus exigeantes avec les candidats à la nationalité belge, ces derniers bénéficient en contrepartie d’une visibilité et d’une sécurité juridique largement renforcées. Cependant, bien qu’attractive, la nationalité reste une option pour l’étranger résidant en Belgique. Le durcissement des conditions de son obtention serait accessoire s’il ne s’accompagnait dans le même temps d’un rétrécissement clair et évident des possibilités de séjour légal sur le sol belge. Une à une les portes du Royaume se ferment, et seules quelques clés peuvent encore les ouvrir. C’est cette tendance de fond que l’ouvrage analyse également au travers de trois premiers chapitres respectivement consacrés au concept de persécution essentiel à la protection des réfugiés, à la mutation du droit au regroupement familial, et à la demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires.
Le droit du séjour a connu des vagues de réforme. Parmi les plus importantes en Belgique, on peut citer les lois du 15 septembre 2006 et du 8 juillet 2011, modifiant la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. La Belgique, à l’instar de tous les autres Etats membres de l’Union européenne, est de plus amenée à transposer dans son droit interne les dispositions adoptées sur le plan européen en matière de politique migratoire. Il s’agit donc d’un domaine qui est appelé à évoluer assez régulièrement, parfois sous l’impulsion d’une actualité tragique comme celle des migrants cherchant à gagner la rive nord de la Méditerranée au péril de leur vie. Toutefois, la complexité de ce droit n’empêche pas de faire le constat suivant : quelle que soit la base légale sur laquelle le séjour est demandé, « les réformes vont dans le sens d’un raidissement de la possibilité de venir en Belgique », explique Patrick Wautelet, professeur ordinaire à la faculté de droit de l’Université de Liège et co-directeur de l’ouvrage Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités qui vient de paraître (1). « Les places sont de plus en plus chères, les conditions de plus en plus dures, les exigences de plus en plus fortes, et cela qu’on soit étudiant, travailleur, mari ou enfant de personne vivant en Belgique ».
Le droit d’asile en est une bonne illustration(2). En effet, le statut de réfugié fait l'objet d'interprétations restrictives alors même qu’il est protégé et que son droit est garanti par la Convention de Genève de 1951. Cette tendance doit être mise en parallèle avec le nombre de dossiers traités annuellement qui, lui, augmente. C’est donc proportionnellement au nombre de dossiers traités que le nombre de demandeurs d’asile obtenant le statut de réfugiés baisse. Entre 2008 et 2013, en Belgique, on est passé de 2143 décisions de reconnaissance du statut de réfugié pour 8964 dossiers traités à 2986 décisions similaires pour 18193 dossiers traités(3) ! Les interprétations à donner à ces chiffres ne coulent pas forcément de source. On peut ainsi considérer que la Belgique est moins accueillante pour les demandeurs d’asile. On peut tout aussi bien partir du principe que l’administration est plus efficace dans son traitement des dossiers et que le demandeur reste moins longtemps dans l’ignorance de son sort. Cela dit, il faut aussi rappeler que la lutte contre l’immigration clandestine passe aussi par un meilleur traitement des demandes d’asile, tant il est vrai que cette procédure fait partie de l’arsenal juridique utilisé pour obtenir la régularisation de son séjour. En effet, le candidat à l’asile dispose d’un titre de séjour pendant toute la durée d’examen de sa demande. Plus cette durée est courte et moins la procédure d’asile risque d’être utilisée abusivement. L’administration porte ici une lourde responsabilité, celle d’être rapide tout en assurant un examen pertinent des dossiers(4). Or, le statut de réfugié correspond à une définition bien précise dont les éléments constitutifs sont énumérés à l’article 1 de la Convention de Genève et repris par le droit européen et national(5). Il s’agit d’une part de connaître une « crainte avec raison » ce qui demande d’être tout à la fois subjectif et objectif. Il s’agit également de démontrer que c’est une « persécution » que l’on « craint avec raison ». Il faut prouver que cette « persécution crainte avec raison » surviendrait « du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques » alors que l’on se trouve « hors du pays de sa nationalité » et qu’on « ne peut se réclamer de la protection de ce pays ». Ces éléments ne vont pas forcément de soi ainsi que le montre la jurisprudence de la Cour de justice de l’Union européenne. (Lire Arrêt Y. et X.)
(1) Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, Fleur Collienne, Patrick Wautelet (dirs.), Larcier, 2014 (http://hdl.handle.net/2268/172994) (2) Voir, dans l’ouvrage précité, la contribution de Tristan Wibault, juriste au Comité belge d’aide aux réfugiés (C.B.A.R.). Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, « Reconnaître la persécution », chap.2, p.53-161. (3) L’examen des statistiques du CGRA (Commissariat Général aux Réfugiés et Apatrides) démontre qu’il s’agit là d’une tendance de fond. http://www.cgra.be/fr/Chiffres. (4) Est-ce la conséquence de cette nouvelle diligence des services concernés ? Toujours est-il que le CGRA dans son bilan 2013 note une diminution de 26.2% des demandes d’asile introduites, ce qui correspond à 15.840 demandes soit le chiffre le plus bas depuis 2008. http://www.cgra.be/fr/Actualites/bilan_des_statistiques_d_asile_2013.jsp. (5) Il s’agit en particulier de la loi belge du 15 décembre 1980 qui transpose la directive UE no 2011/95 du Parlement européen et du Conseil du 13 décembre 2011 concernant les normes relatives aux conditions que doivent remplir les ressortissants des pays tiers ou les apatrides pour pouvoir bénéficier d’une protection internationale, à un statut uniforme pour les réfugié ou les personnes pouvant bénéficier de la protection subsidiaire, et au contenu de cette protection (dite directive Qualification).
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