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Le droit de la nationalité en Belgique
2/9/15

La tendance actuelle est donc bien de restreindre  le champ d’application du droit d’asile alors même que celui-ci va de pair avec un monde de plus en plus instable tant à cause des désordres géopolitiques que de nouvelles sources de maux tel que le dérèglement climatique. Si le raisonnement est poussé à l’extrême, on est en droit de se demander s’il faut désormais mourir au préalable pour espérer obtenir un quelconque secours.

C’est la question provocante posée en tout cas dans la contribution à cet ouvrage portant sur la demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires, autre pan important du droit au séjour(6). L’article ici visé est l’article 9ter de la loi du 15 décembre 1980. Il s’agit d’une procédure exceptionnelle de régularisation pour un étranger qui se serait introduit en Belgique sans en avoir obtenu l’autorisation au préalable. L'article 9ter vise une hypothèse particulière, celle de la régularisation pour raisons médicales. Cette disposition prolonge la protection qu’offre l’article 3 de la Convention européenne des droits de l’homme aux personnes atteintes d’une maladie grave. Sur la base de cette disposition, un étranger en séjour irrégulier en Belgique peut solliciter une autorisation de séjour lorsqu’il est atteint d’une maladie qui entraîne un risque réel pour sa vie ou son intégrité physique ou un risque réel de traitement inhumain ou dégradant en raison de l’absence de traitement adéquat dans son pays d’origine. Là encore, la pratique est claire : « La régularisation médicale a fait l’objet d’une lente édification d’obstacles en Belgique. D’où le titre de cette contribution : il faut littéralement être à l’agonie aujourd’hui pour bénéficier du 9ter. Malheureusement, la pratique administrative veut que dès que vous déposez une demande, vous êtes suspecté d’abus. Le regard porté sur l'étranger en situation irrégulière est très négatif et Zaverio Maglioni montre par le menu dans ce chapitre que cette suspicion est même revendiquée par l’administration », explique Patrick Wautelet. Dire que les décisions positives sur base de l’article 9ter sont en baisse est un euphémisme. En effet, un récent dossier de Micmag, magazine se focalisant sur les migrations, l’interculturel et la coopération, revenait sur les statistiques : « En 2013, seulement 1 336 dossiers soumis ont abouti à une décision positive, ce qui concerne 1 901 étrangers et équivaut à une proportion de 7% de décisions positives rendues, contre 12% en 2012, 25% en 2011 et 66% en 2010.(7)»

Par quel sésame un ressortissant d’un pays tiers peut-il encore espérer séjourner en Belgique ? A n’en pas douter, le regroupement familial constitue depuis quelques années une des plus importantes portes d’entrée sur le territoire belge. Aussi ne faut-il pas s’étonner si là encore des modifications substantielles y ont été apportées(8), en particulier par la loi du 8 juillet 2011. Ces changements semblent induire une diminution du nombre total d’autorisations de séjour sur base du regroupement familial : 43.266 en 2009, 36.828 en 2011, 30.960 en 2012 selon les chiffres de l’Office des Etrangers. Pourtant, le regroupement familial constitue un pan du droit au respect de la vie familiale tel que garanti par l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme. Il n’empêche, « ce n’est plus tant un droit qu’une faveur. Vous n’êtes plus certain de rien même quand on parle de relations filiales ! Nous faisons face à une complexité accrue. La Belgique a exploité la directive européenne(9) qui laisse une marge d’appréciation aux Etats membres en la durcissant. » La Cour de Justice a beau aller dans le sens contraire, et la jurisprudence belge suivre la Cour de Luxembourg, il n’est pas évident pour un migrant d’accéder à cette justice à l’heure où « il y a pénurie d’avocats spécialisés dans cette matière, notamment en Flandre ».

La nationalité belge, au bout d’un processus devenu exigeant

Qu’il s’agisse de l’un ou l’autre cas de figure évoqués plus haut et largement développés dans l’ouvrage, séjourner en Belgique légalement devient un parcours du combattant. D’où il ressort que de moins en moins de personnes pourront bénéficier de ce séjour légal et par effet domino, de moins en moins de personnes seront fondées à demander la nationalité belge. Car faut-il le rappeler ? « Le droit de la nationalité a effectivement une relation symbiotique avec le droit du séjour »(10).

Et cela d’autant plus depuis la dernière réforme résultant de la loi du 4 décembre 2012, entrée en vigueur le 1er janvier 2013, et qui vise selon son titre à « rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration »(11). Cette réforme qui constitue un véritable changement de paradigme à maints égards concernant l’acquisition mais aussi la perte de la nationalité belge se sert du droit au séjour légal comme d’un premier filtre. Avant la réforme, il était demandé à l’étranger désireux de devenir Belge, d’être en séjour légal au moment où il introduisait sa demande. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Depuis le 1er janvier 2013, il faut prouver un séjour légal tant au moment de l’introduction de la demande que durant la période qui précède cette demande(12). Par ailleurs, cette exigence de séjour légal qui pourrait paraître saugrenue à première vue car allant de soi permet de mettre un terme définitif aux bizarreries qui pouvaient survenir avant la réforme. Ainsi, « avant, vous pouviez ne pas avoir droit au séjour en Belgique et quand même recevoir la nationalité belge. Il s’agissait certes de cas marginaux mais c’était évidemment ceux qui étaient montés en épingle et qui renforçaient l’image d’une nationalité prétendumment bradée ».

(6) Contribution de Me Zaverio Maglioni, avocat, « La demande d’autorisation de séjour pour raisons humanitaires : l’article 9ter à l’agonie ? », Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, chapitre 4, pp. 215-268.
(7) Mic Mag, 4 décembre 2014, « 7% de régularisation du séjour pour raisons humanitaires ou médicales », www.micmag.be.
(8) Voir la contribution d’Isabelle Doyen, juriste et directrice de l’ASBL ADDE (Association pour le droit des étrangers), « Le droit au regroupement familial en mutation. Aperçu des principes et de la jurisprudence depuis la loi du 11 juillet 2011 », Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, chapitre 3, pp. 163-209.
(9) Directive 2003/86 du 22 septembre 2003 relative au droit au regroupement familial.
(10)  Voir la contribution de Patrick Wautelet, « La nationalité belge en 2014 – l’équilibre enfin trouvé ? », Droit de l’immigration et de la nationalité : fondamentaux et actualités, chapitre 5, pp. 273-371
(11)  Loi du 4 décembre 2012 modifiant le Code de la nationalité belge afin de rendre l’acquisition de la nationalité belge neutre du point de vue de l’immigration (parue dans le Moniteur Belge le 14 décembre 2012)
(12) Voir article 7bis du Code de la nationalité

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