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L’harmonisation des statuts, un chantier loin d’être achevé
12/22/14

Ouvriers vs. employés : il n’y a quasiment plus qu’en Belgique que ces deux termes s’opposent. En 2013, après des années d’inaction du léglisateur, la Cour constitutionnelle a imposé de s’attaquer à cette distinction qui ne reflète désormais plus les réalités du travail. Une importante réforme en a découlé. Entrée en vigueur le 1er janvier 2014, elle soulève toutefois plusieurs critiques et interrogations. Un ouvrage à l’initiative du jeune Barreau de Liège fait le point sur cette délicate question.

COVER Harmonisation ouvrier employeLundi 8 juillet 2013. Aux oreilles politiques, patronales et syndicales, cette date résonnait comme un ultimatum. La Cour constitutionnelle s’était pourtant montrée indulgente : la fin des discriminations entre ouvriers et employés, elle la réclamait depuis… 1993, alors qu’elle s’appelait encore Cour d’arbitrage. À l’époque déjà, elle considérait que les différences engendrées par ces statuts distincts étaient injustes pour les travailleurs et ne se justifiaient en rien.

La patience a ses limites et la Cour constitutionnelle l’a montré le 7 juillet 2011, dans un arrêt rendu à la requête du tribunal de travail de Bruxelles. Puisqu’aucune réforme majeure n’avait été entreprise en la matière depuis 18 ans, elle laissait deux ans jour pour jour au gouvernement et aux partenaires sociaux pour équilibrer les durées de préavis et régler la question du jour de carence.

Plus moyen de tergiverser. Un changement de fond en comble de ce pan du droit social était devenu inévitable. Mais voilà : on ne se débarrasse pas du poids de l’histoire en trois coups de cuillère à pot. Alors que le Grand-Duché du Luxembourg, l’Allemagne, la France ou encore Angleterre avaient réussi à se dépêtrer de ce bourbier légal (parfois même depuis longtemps), la Belgique quant à elle traînait des pieds.

Accord de dernière minute

Jusqu’à une semaine avant la date fatidique du 8 juillet 2013, aucun accord n’était encore sur la table. Le compromis finalement trouvé aura nécessité quelque 27 heures de négociations ininterrompues. Un accouchement au forceps, pour un nouveau-né bien portant : le texte s’attaque non seulement aux préavis et aux jours de carence comme on l’avait exigé de lui, mais aussi à plusieurs autres sujets.

Tant et si bien que les conséquences de cette réforme, entrée en vigueur le 1er janvier 2014, occupent aujourd’hui les 458 pages d’un livre récemment publié aux éditions Anthémis(1). Cet ouvrage fait suite à un colloque sur le sujet organisé par le Jeune Barreau de Liège, dont la direction scientifique a été confiée à Fabienne Kéfer, professeur à la Faculté de droit, de science politique et de criminologie de l’Université de Liège.

« Il n’y avait pas eu de changements de cette ampleur depuis des années, contextualise-t-elle. En 2011, une loi avait rapproché la durée de préavis, mais le nombre de personnes concernées tout comme les modifications des délais étaient limités. Cette fois, les modifications s’appliquent à presque tout le monde et touchent d’autres aspects que ceux que la Cour constitutionnelle avait pointés ».

Ainsi, travailleurs manuels et intellectuels sont désormais soumis aux mêmes durées de préavis. Une avancée majeure pour les « cols bleus », qui auparavant devaient se contenter de 14 à 28 jours. Un recul pour les « cols blancs », qui bénéficient toutefois actuellement d’un régime beaucoup plus simple que celui qui tenait compte à la fois de l’ancienneté ainsi que du niveau de rémunération, et qui correspondait dans les grandes lignes à trois mois par tranche de 5 années d’ancienneté.

[1] Sous la dir. de Fabienne Kéfer, L’harmonisation des statuts entre ouvriers et employés, Limal, éditions Anthémis, coll. du Jeune Barreau de Liège, 2014

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