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Prairies pâturées: sur les traces du carbone
16/12/2014

Mauvaise nouvelle pour l'élevage bovin tel qu'il se pratique en Région wallonne? La chercheuse gembloutoise se garde bien de tirer de telles conclusions. Elle précise tout d'abord que, si la prairie étudiée à Dorinne est pâturée par des Blanc Bleu Belge, si largement présents en Wallonie, elle ne peut refléter à elle seule la diversité des élevages pratiqués au sud du pays tant en matière de races que de conditions pédoclimatiques. "Le Condroz, ne fût-ce qu'en termes de sol et de conditions climatiques, ce n'est ni la Haute Ardenne ni le Pays de Herve.". La pâture étudiée à Dorinne, par ailleurs, se caractérise par une gestion intensive: la fertilisation y est assez importante et le nombre de têtes de bétail qui la broute est élevé (en moyenne, deux unités gros bétail - UGB - par hectare et par an). Il est également probable (même si cela n'a pas pu être démontré significativement) que les deux épisodes de sécheresse intervenus pendant la période prise en considération (été 2010 et printemps 2011) aient eu pour effet de réduire la production de biomasse végétale et donc l’assimilation de CO2 de la parcelle.

Schema CO2 prairies ok

Des bénéfices à ne pas oublier

Autres commentaires, plus fondamentaux, sur les résultats obtenus. La prairie de Dorinne est ancienne. Or, des études ont démontré que la capacité des pâtures à jouer un rôle de stockage de carbone s'amenuise au fil du temps. "Cela pourrait expliquer que notre parcelle soit neutre d’un point de vue du bilan de carbone pour les trois années étudiées", commente la chercheuse. Enfin, et ce n'est pas la moindre des nuances à apporter aux résultats, le bilan de carbone neutre ne doit tout de même pas faire oublier que "les prairies en Région wallonne ne peuvent pas, pour la plupart, être remplacées par des cultures et sont donc des prairies obligées que seuls les ruminants sont habilités à valoriser au mieux. En effet, grâce à la présence d’un rumen en amont de l’estomac, les bovins sont les seuls animaux capables de transformer la biomasse herbacée en produits de grande valeur nutritionnelle pour l’homme, tels que la le lait et/ou en l’occurrence, la viande. Ce type d’élevage basé sur l’exploitation des produits de la prairie, permet également de faire vivre des exploitants agricoles et leurs familles et de valoriser des écosystèmes qui rendent par ailleurs d'importants services écologiques: ralentissement du ruissellement, protection contre l’érosion du sol, amélioration de la fertilité du sol, maintien de la biodiversité, etc.".

Etant donné la variabilité du bilan des flux de CO2 mise en évidence par ces travaux (la prairie de Dorinne semble d'ailleurs avoir constitué en 2014 - année qui a fait suite aux travaux d'Elisabeth Jérôme - un puits important de CO2), celle-ci estime indispensable de réaliser des mesures à long terme. "C'est la seule manière de tester la robustesse des résultats sur les bilans de carbone". Mais d'ores et déjà, la gestion étant probablement le facteur agissant le plus sur la variabilité des flux (de CO2 et les autres), il semble que des possibilités d’amélioration du bilan de carbone (augmentation du stockage dans le sol) existent. L'une d'elles, en cours d'étude, consiste à jouer sur l'intensité du pâturage. Comment? Sur une parcelle adjacente à la parcelle étudiée dans la thèse, un pâturage tournant a été instauré. Au lieu de laisser l'entièreté du troupeau paître en continu ou, en tout cas, pendant des périodes assez longues, on limite la durée du pâturage à deux ou trois jours, et cela sur une parcelle de taille sensiblement réduite. On laisse les animaux entrer sur cette parcelle dès lors que le couvert végétal présente une hauteur de 10 à 15 centimètres. On le retire lorsque la végétation n'est plus qu'à 5 centimètres (le troupeau est alors dirigé vers une autre parcelle). "Chaque système a des avantages et des inconvénients, commente la bio-ingénieure. En général, une bonne gestion du pâturage tournant permet de mieux exprimer le potentiel de production de la prairie et de l'exploiter d'une façon optimale. Le pâturage permanent peut, lui, provoquer le surpâturage de certaines zones et le sous-pâturage d'autres zones. L’objectif est de réaliser, au terme de cette étude, le bilan de carbone complet à l'échelle de ces deux parcelles adjacentes, et d’ainsi voir si la modification de la gestion induit - ou non - une augmentation du stockage de carbone par la prairie". Et, de là, suggérer aux éleveurs des pistes pour accroître leur contribution à la lutte contre le dérèglement climatique.

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