A l'échelle d'une exploitation agricole d’élevage de gros ruminants, la prairie est le seul compartiment susceptible de stocker du carbone et donc d’ainsi compenser les émissions de gaz à effet de serre de ce secteur. Cet atout est loin d'être négligeable si l'on pense aux critiques qui s'abattent sur le secteur de l'élevage et plus particulièrement sur celui de la production de viande en matière d'émissions de gaz à effet de serre. Encore faut-il savoir où, quand, comment et à quelles conditions la prairie peut jouer ce rôle de « puits » de carbone; et singulièrement en Wallonie, terre de prédilection du célèbre Blanc Bleu Belge. C'est ce qu'a étudié Elisabeth Jérôme durant sa thèse de doctorat (1).
Depuis une dizaine d'années, on sait que les prairies sont capables, à l'instar des forêts, de stocker du carbone dans leur sol. Mais qu'en est-il en Région wallonne? Ce qui a pu être établi scientifiquement dans plusieurs régions du monde est-il également valable pour les systèmes d’élevage de notre Région? Nos prairies, à l’instar des prairies européennes, sont-elles capables de stocker du carbone dans leur sol et d’ainsi compenser une partie des émissions des deux autres principaux gaz à effet de serre (GES) émis par les systèmes d’élevage (le protoxyde d'azote - N2O - lié à la fertilisation et le méthane - CH4 - lié à la fermentation entérique des animaux)? Grâce à la thèse de doctorat en sciences agronomiques et ingénierie biologique d'Elisabeth Jérôme, il est aujourd'hui possible d'apporter, sinon une réponse univoque qui serait forcément réductrice, du moins des éléments de réponse complètement novateurs à cette question.
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Pendant trois ans, la jeune femme, chercheuse à l'Unité de Physique des Biosystèmes de Gembloux Agro-Bio Tech (Université de Liège) a étudié le bilan de carbone d’une parcelle de quelque quatre hectares pâturée par des bovins de la race Blanc Bleu Belge, située à Dorinne (Yvoir, province de Namur, en Belgique). Première originalité de son approche: alors que les autres études reposent généralement sur des données issues de la littérature ou sur des analyses de contenu en carbone d'échantillons de sol, elle a résolument opté pour une méthode d'observation in situ et en temps réel. Elle intègre à la fois les flux de dioxyde de carbone (CO2) échangés entre l'écosystème et l'atmosphère et les autres flux de carbone échangés en périphérie de la parcelle.
Par "périphérie", il faut entendre tous les flux qui peuvent entraîner tantôt des importations de carbone sur la prairie (fertilisation organique et compléments alimentaires), tantôt des exportations (sous forme de foin ou d’ensilage lorsqu’il y a une fauche, sous forme de CH4 lors de la fermentation entérique ou sous forme de viande), mais aussi, dans une moindre mesure, le carbone lessivé dans le sol. "Tout ce qui concerne par exemple le compost et les compléments alimentaires apportés sur la parcelle a fait l'objet de notes quantitatives communiquées avec enthousiasme par l'éleveur, Adrien Paquet, lui-même bio-ingénieur, explique Elisabeth Jérôme. Nous les avons complétées par des analyses de leur contenu en carbone. Egalement, chaque semaine durant la saison de végétation, nous avons mesuré la hauteur de l'herbe et prélevé des échantillons afin d'estimer, là aussi, la quantité de biomasse produite par la prairie.".
(1) Jérôme Elisabeth (2014). Bilan de carbone d’une prairie pâturée en Région wallonne : effets du climat et de la gestion du pâturage (thèse de doctorat). Université de Liège – Gembloux Agro-Bio Tech, Gembloux, Belgique.