Aussi, depuis quelques années, l'intérêt s'est-il porté sur la conception d'outils à la fois sensibles, peu coûteux et faciles d'emploi. De nombreux efforts ont été déployés dans ce sens, en particulier en s'appuyant sur la technique de l'électroencéphalographie (EEG) et des potentiels évoqués cognitifs. Le Coma Science Group a participé à divers projets de cette nature, mettant à l'honneur les interfaces cerveau-ordinateur (BCIs). Un des plus aboutis est celui qui vient de faire l'objet de la thèse de doctorat de Damien Lesenfants.
Comme le précise le principal intéressé, le but poursuivi était « d'utiliser la technologie des interfaces cerveau-ordinateur afin de développer un outil de diagnostic indépendant du contrôle moteur et permettant d'évaluer objectivement la réponse à la commande chez des patients souffrant de locked-in syndrome et de troubles de la conscience ». Un objectif complémentaire était de parvenir, via l'interface, à établir une communication avec les patients conscients.
On se souviendra qu'en 2006, des chercheurs des Universités de Liège et de Cambridge furent les premiers à réussir la gageure de communiquer avec une personne gravement cérébrolésée réputée inconsciente sur la base de tests comportementaux. Ils parvinrent en effet, sur la base de l'enregistrement de l'activité cérébrale d'une patiente déclarée à tort en état végétatif, à décrypter ses réponses (positives ou négatives) à des questions basiques. L'interface utilisée était l'IRMf en temps réel (real time IRMf). L'activité cérébrale de la patiente fut enregistrée alors que cette dernière était censée s'imaginer en train de jouer au tennis si elle voulait répondre « oui » à une question, ou en train de déambuler dans sa maison si elle voulait y répondre « non ». Par la suite, les scientifiques réitérèrent cette expérience avec succès sur d'autres patients.
Overt ou covert
Pouvoir déterminer pour chaque patient gravement cérébrolésé s'il dispose d'une conscience résiduelle constitue une quête essentielle à la fois sur le plan médical et sur le plan éthique. De fait, le pronostic (chances de récupération) et les techniques de revalidation diffèrent selon qu'un patient est en état végétatif/non répondant, en état de conscience minimale ou en locked-in syndrome. Le traitement médical est différent également, dans la mesure où les patients en état de conscience minimale éprouve la douleur physique, contrairement à leurs homologues en état végétatif/non répondant, qui y sont hermétiques. Les premiers doivent se voir délivrer des analgésiques dans certaines circonstances. Enfin se pose de façon aigue la question de la décision de fin de vie. « Lorsque des signes de conscience sont présents, il est primordial d'essayer d'établir un dialogue avec le patient concerné afin de lui permettre d'exprimer ses sentiments, ses besoins (souffre-t-il ?) et ses souhaits, notamment en matière de fin de vie », commente Steven Laureys.
Plusieurs modalités ont été proposées comme support des interfaces cerveau-ordinateur. Par exemple, les potentiels évoqués moteurs. Damien Lesenfants a opté pour la technique des potentiels évoqués visuels en régime permanent (en anglais, Steady State Visually Evoked Potential - SSVEP).
Quels sont leurs avantages ? La faible influence des artefacts musculaires, oculaires et de mouvements ; la réduction de la durée de l'examen, celui-ci ne requérant aucun entraînement de l'utilisateur ; un rapport signal/bruit et un taux de transfert d'information élevés.
« Dans les SSVEP-BCIs, un ou plusieurs stimuli oscillant à des fréquences constantes et différentes sont présentés à l'utilisateur, explique Damien Lesenfants dans sa thèse. Lorsque ce dernier concentre son attention sur un stimulus, une augmentation de l'activité EEG à la fréquence du stimulus est détectée au niveau des zones postérieures du cerveau, et en particulier dans les aires occipitales. »