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Un nouvel outil pour débusquer la conscience
10/12/2014

Comment déceler des signes de conscience chez des patients gravement cérébrolésés et, ainsi, poser un diagnostic correct ? Ou même, comment communiquer avec des personnes enfermées dans le locked-in syndrome (LIS) ? Bien sûr, il existe des systèmes d’imagerie qui puisent leurs informations directement dans le cerveau, mais leurs taux d’erreur demeure non négligeables, ils sont coûteux, peu maniables. Aussi, depuis quelques années, l'intérêt s'est-il porté sur la conception d'outils à la fois sensibles, peu coûteux et faciles d'emploi. Le Coma Science Group de l’Université de Liège a participé à divers projets de cette nature, mettant à l'honneur les interfaces cerveau-ordinateur (BCIs). Un des plus aboutis est celui qui vient de faire l'objet de la thèse de doctorat de Damien Lesenfants. Son principe de base ? Un ou plusieurs stimuli oscillant à des fréquences constantes et différentes sont présentés au patient. Lorsque ce dernier concentre son attention sur un stimulus, une augmentation de l'activité électroencéphalographique à la fréquence du stimulus est détectée au niveau des zones postérieures du cerveau, et en particulier dans les aires occipitales.

Cover DLesenfantsDe plus en plus de vies sont sauvées grâce aux progrès de la médecine de réanimation. Toutefois, les succès rencontrés ne peuvent occulter une autre réalité, parallèle : la multiplication du nombre de patients cérébrolésés plongés dans des états de conscience altérés souvent irrémédiables (état végétatif/non répondant, état de conscience minimale), voire emmurés, avec un niveau de conscience intact, dans l'immobilité d'un locked-in syndrome (LIS).

La limite entre l'état végétatif/non répondant et l'état de conscience minimale est difficile à cerner par l'évaluation clinique des patients. Et souvent même, des patients LIS sont considérés à tort comme relevant d'un de ces états. Classiquement, l'évaluation clinique des patients se fonde sur l'examen de leurs réponses motrices à l'aide d'échelles comportementales - par exemple, savent-ils serrer la main quand on leur demande ou suivre du regard un objet en mouvement ?... Comme l'ont montré Caroline Schnakers, chargée de recherches du FNRS, et le professeur Steven Laureys, directeur du Coma Science Group (Université de Liège/CHU de Liège), le diagnostic ainsi posé est erroné dans quelque 40% des cas.

Dans la thèse de doctorat qu'il a réalisée au sein du Coma Science Group et qu'il a défendue récemment, Damien Lesenfants, ingénieur civil spécialisé dans le biomédical, écrit : « Les échelles comportementales sont principalement basées sur les réponses motrices et sur la compréhension verbale du sujet. Ceci rend le diagnostic difficile dans cette population souffrant souvent de troubles moteurs, d'aphasie et d'une vigilance fluctuante. De plus, la fiabilité du diagnostic avec ces outils dépend de l'expérience de l'expérimentateur. Par conséquent, il est important de développer des outils paramédicaux objectifs et indépendants du contrôle moteur afin de détecter ces signes de conscience lorsqu'aucune réponse évidente n'est observée au chevet du patient. »

Potentiels évoqués cognitifs

Le recours systématique à une échelle comportementale standardisée et sensible, comme « l'échelle révisée de récupération de coma » (Coma Recovery Scale-Revised - CRS-R), développée aux Etats-Unis par l'équipe de Joseph Giacino et validée en français et en néerlandais par Caroline Schnakers et Steven Laureys, a permis de ramener le taux d'erreurs de diagnostic à 31%. Et quand, pour affiner ce dernier, les neurologues font appel à l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf) ou, mieux encore dans ce cas, à la tomographie par émission de positons (PET scan), ces techniques qui permettent de « voir » indirectement le cerveau en action, le taux d'erreurs descend à 20% environ. « L'IRMf et le PET scan puisent directement l'information dans le cerveau, indique Damien Lesenfants. Ils sont donc susceptibles d'y montrer une éventuelle activation en réponse à une commande même si, souffrant de troubles moteurs, le patient est incapable de bouger. » Toutefois, le taux d'erreurs résiduelles demeure non négligeable. En outre, l'IRMF et le Pet scan présentent plusieurs inconvénients, dont notamment leur coût, le fait d'être peu disponibles, leur non-portabilité, leur sensibilité aux mouvements du patient - s'il bouge, les informations recueillies peuvent être rendues inexploitables - et la durée d'acquisition des données, les personnes soumises à l'examen disposant de capacités de concentration très limitées.

(1) Lesenfants, D., "Interface cerveau-ordinateur, locked-in syndrome et troubles de la conscience", septembre 201

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