Une fois que le prélèvement a été effectué, et dans le cas du VIH, il convient ensuite de mesurer le taux de lymphocytes CD4 ainsi que la charge virale plasmatique. « Ce sont les deux meilleurs marqueurs d’évolutivité de la maladie. Ils permettent de suivre l’évolution du virus et l’efficacité du traitement au cours de l’infection au VIH. » Si la charge virale est élevée et que le taux des lymphocytes TDC4 est faible, « cela témoigne de l’évolution rapide vers la maladie SIDA et amène à se poser des questions sur le traitement administré ». La charge virale doit ainsi rester au seuil indétectable ou inférieure à 50 copies/ml. Le problème est que la technique la plus simple et la moins onéreuse de mesure de la charge virale, la technique de l’ANRS, n’est pas praticable dans les pays à ressources limitées car elle nécessite un personnel qualifié et des infrastructures de laboratoire suffisantes. C’est pourquoi c’est encore la méthode Abbott RealTime qui est à privilégier même si elle est plus chère. C’est une technique de choix pour les pays à forte diversité génétique comme le Tchad car elle détecte en plus des sous-types du groupe M (A-H), le groupe N, O et des formes recombinantes. Elle ne demande pas de qualification spécifique en biologie moléculaire.
Enfin, pour une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH, il faut absolument pouvoir effectuer des tests de résistance pour juger de l’efficacité du traitement. Or, une fois encore, les techniques standards de détection de mutations de résistance pour le monitoring des patients sont très coûteuses et demandent des équipements sophistiqués et un personnel formé. « Ici, en Europe, on fait le séquençage complet d’une partie du gène pour chercher différents types de mutations de résistance. Nous, nous nous sommes intéressés à une méthode alternative qui permet de détecter une mutation ponctuelle. C’est la méthode Allele-Specific PCR (ASPCR). » En s’aidant d’une métaphore, la technique peut être expliquée de la manière suivante : si l’on considère l’Union européenne, Bruxelles représente son centre. C’est le cœur de l’Europe. Par conséquent, nul n’est besoin de viser tous les Etats membres pour atteindre l’Europe. Il suffit d’atteindre Bruxelles. Ceci signifie dans le sujet qui nous occupe qu’il n’est pas indispensable d’identifier toutes les mutations présentes sur une partie du gène. Il faut plutôt « identifier les chefs de file ». Leur présence indique que le traitement ne marche pas. Quand les techniques standards ne détectent une mutation que quand elle est majoritaire et représente au moins 20 % de la population virale totale, la technique ASPCR permet la détection de plusieurs mutations de résistance dans un même échantillon ainsi que la détection d’une seule mutation contenue dans un mélange même à faible proportion (0.01%).
Les différentes alternatives exposées dans la thèse de Chatté Adawaye portent au-delà de leur intérêt technique pur, un véritable espoir, celui d’ « une vie saine et normale pour les personnes vivant avec le VIH d’une part et l’éradication de la maladie de toute la surface de la terre d’autre part ». Evoquer la possibilité d’une vie normale a toute son importance quand on connaît le poids du tabou que représente le VIH dans beaucoup de pays, au Tchad également. En effet, devoir affronter le regard des autres tout en ne constatant aucune amélioration de son état personnel n’est évidemment pas un encouragement à suivre son traitement avec constance. Cette réalité plaide par elle-même pour qu’au-delà d’une prise en charge seulement technique, la maladie soit comprise et celui qui en est victime accepté.
Pour plus d'informations sur les recherches menées à l'Université de Liège et au CHU de Liège : http://thema.ulg.ac.be/SIDA