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Une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH au Tchad
01/12/2014

Par ailleurs, d’autres facteurs périphériques mais qui influent sur la réussite du traitement entrent en jeu dans un pays comme le Tchad. « Il faut prendre en compte les ruptures de stocks. Il y a des périodes où il n’y a tout simplement pas de médicaments ». Le Tchad est effectivement un pays enclavé qui partage 5 676 kilomètres de frontières avec 6 pays limitrophes : le Soudan, la République centrafricaine, la Lybie, le Nigéria, le Cameroun et le Niger. Autant dire qu’avec un tel enclavement, le Tchad demeure largement tributaire de la situation chez ses voisins et n’a bien entendu rien à attendre de bon des conflits, crises ou désordres géopolitiques y ayant cours. A noter que le port le plus proche est celui de Douala (Cameroun) à 1700 km de N’Djamena et que les routes ne sont pas toutes bitumées. L’état des infrastructures a un impact certain tant sur l’approvisionnement du Tchad en médicaments que sur la motivation des patients vivant loin de la capitale à se déplacer.

On le voit, vivre avec le VIH au Tchad diffère totalement de ce que vit un patient en Europe par exemple. Par conséquent, la lutte contre cette maladie implique de développer des stratégies adaptées au terrain rencontré.

Investir dans la biologie moléculaire et le personnel qualifié

C’est exactement ce que propose Chatté Adawaye dans sa thèse(1). Son constat de départ se trouve renforcé par une connaissance empirique aiguë. En effet, Chatté Adawaye fait partie d’un groupe, le HCNC (Haut Conseil National de Coordination pour l’accès au Fonds Mondial pour la lutte contre le paludisme, le Sida et la Tuberculose) chargé de négocier les fonds nécessaires pour lutter contre ces trois fléaux que sont au Tchad le paludisme, le VIH et la tuberculose. Cette position particulière lui permet de constater que la volonté politique existe et que les moyens financiers sont là. « Chaque année, la Banque mondiale augmente les financements. De plus, au Tchad, les personnes vivant avec le VIH ont un accès gratuit aux ARV ainsi qu’aux examens complémentaires depuis 2007. Pour tout couronner, depuis 2003, le pays est devenu une nation pétrolière. » Ces atouts ne sont toutefois pas suffisants si dans le même temps les ressources ne sont pas allouées efficacement. « Il ne sert à rien d’investir dans des moyens techniques si on ne dispose pas du personnel qualifié pour l’utiliser. Tout est affaire de ressources humaines et c’est le sens du message que nous avons lancé vers les instances compétentes à l’issue de cette étude. » Cela signifie concrètement qu’il faut créer un Centre de Référence Sida pour une meilleure prise en charge des personnes vivant avec le VIH et il faut d’urgence investir dans la biologie moléculaire et dans le personnel qualifié. Cela va de pair avec des infrastructures solides et fiables. Nous avons évoqué plus haut le problème des transports. A cela s’ajoutent les fréquentes coupures de courant, ce qui constitue un handicap majeur quand on sait qu’un prélèvement de sang veineux requiert une conservation à une température de -80°C ! Rompre la chaîne du froid a comme conséquence de fausser les résultats.

Face à ces contraintes, la thèse de Chatté Adawaye se veut pragmatique et vise à proposer des méthodes alternatives de prise en charge des personnes vivant avec le VIH intégrant les réalités du terrain. Ces propositions s’articulent autour de trois axes principaux que sont la méthode de prélèvement des échantillons sur papier buvard ou DBS en anglais pour Dried Blood Spot, la mesure des CD4 et de la charge virale et enfin la détection de mutations de résistance ponctuelles.

La première étape de la prise en charge est évidemment le prélèvement sanguin qui précède les analyses proprement dites. Nous avons précisé plus haut que les fréquentes coupures de courant notamment rendaient difficiles la conservation et le transport du plasma. L’alternative consisterait à utiliser une autre technique de prélèvement qui n’avait pas encore été testée au Tchad : la méthode DPS ou DBS. La technique consiste à collecter du sang total (DBS) ou du plasma (DPS) sur un papier filtre appelé buvard. Cette technique a plusieurs avantages non négligeables. prélèvement DBSTout d’abord, elle ne nécessite pas de chaîne du froid puisque l’échantillon doit être conservé à température ambiante. De plus, il peut être prélevé par du personnel non qualifié en biologie moléculaire ce qui veut dire que les patients peuvent se rendre dans un centre médical même en périphérie. Enfin, l’échantillon peut être envoyé par simple courrier postal. Les contraintes de conservation et d’acheminement sont donc évitées. Quant aux résultats, ils sont aussi fiables que ceux obtenus par prélèvement standard (plasma). Pour les enfants, il suffit de piquer le bout du doigt pour obtenir un prélèvement correct. La méthode n’est donc vraiment pas contraignante !

(1) Nouvelles approches génotypiques pour le monitoring de résistance du VIH aux ARV dans les pays à ressources limitées : cas du Tchad. Thèse de doctorat de Chatté Idékhim ADAWAYE, réalisée sous la direction de Michel MOUTSCHEN, Université de Liège, 2014.

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