Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Le bal envahissant des ombrelles
17/11/2014

Prévoir les « pics » : un exercice délicat

L'ensemble de ces découvertes ne dit encore rien sur les raisons de la prolifération cyclique d'une des méduses les plus connues sur les plages du sud de la France : la Pélagie (Pelagia noctiluca). Il en est de même pour l'Aurélie (Aurelia aurita) qui, chez nous également, de La Panne à Knokke-le-Zoute, empoisonne parfois l'été des baigneurs. Amandine Collignon rappelle que ce phénomène de pullulation cyclique est rapporté depuis près de deux cent ans ! Il ne date donc pas d'hier. « Faute de données probantes, il serait certainement prématuré de le mettre sur le compte du réchauffement climatique. Mes recherches n'ayant porté que sur la baie de Calvi et sur une période de dix années consécutives, je ne peux m'avancer sur les raisons exactes de la prolifération cyclique (à peu près tous les dix ans) de la Pélagie. En revanche, on peut confirmer la grande variabilité annuelle et interannuelle de l'espèce. Dans la Baie de Calvi, par exemple, les années 2004 et 2005 ont été marquées par une augmentation graduelle des populations, suivies d'une nette augmentation en 2006. Puis, pendant les étés 2007 et 2008, on a assisté à une diminution importante des populations. L'été 2014 semble avoir connu un nouveau « pic », mais nous ne disposons pas encore de toutes les données pour confirmer ces observations empiriques. Ce qui est clair, par ailleurs, c'est que les essaims actifs de Pelagia ont pour habitude, généralement fin du printemps, d'apparaître juste en-dessous du niveau de la surface. Ce phénomène s'étale sur quelques heures au large. Il se déroule surtout aux alentours des pointes terrestres, là où les eaux de surface sont protégées des vents, où la turbulence est réduite et où le mésozooplancton s'accumule. essaim medusesCes essaims ne restent donc pas longtemps sur place, quelques jours à peine. Ils migrent verticalement à la tombée du jour, mais sont également influencés par les fluctuations du vent. A la longue, ne subsistent en surface à hauteur des côtes que les individus moribonds, qui rejoignent les essaims passifs emportés par les vents du Nord ou du Nord-Est ».

Pourra-t-on, un jour, prévoir avec certitude l'apparition massive de méduses sur les côtes, tant en Méditerranée qu'en mer du Nord ? «A l'heure actuelle, c'est un exercice extrêmement hasardeux, commente l'océanographe. On ne peut pas affirmer qu'un seul facteur – la température, la présence de plancton, etc – joue un rôle, mais bien une conjonction de facteurs. De plus, les conditions locales varient très fort, selon qu'on se trouve dans un milieu oligotrophe comme la mer Méditerranée (où peu de nutriments sont disponibles pour le plancton végétal et animal) ou eutrophe comme la mer du Nord (riche en nutriments). Les pouvoirs publics réclament souvent ce genre de prévisions aux scientifiques. Mais ils doivent comprendre que nos études s'étalent nécessairement sur le long terme. Débloquer des fonds uniquement lorsqu'il y a un émoi collectif, à la suite d'un épisode de prolifération, n'a pas beaucoup de sens. C'est de continuité dont nous avons besoin. Même, et surtout, lorsque rien de spectaculaire ne semble se passer  »

Page : précédente 1 2 3 4

 


© 2007 ULi�ge