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Le bal envahissant des ombrelles
17/11/2014

Des pullulations à prendre avec des pincettes

« Ces épisodes sont aujourd'hui déplorés partout dans le monde, commente Amandine Collignon, auteure d'une thèse de doctorat (1) défendue le printemps dernier au Laboratoire d'Océanologie (Département de Biologie, Ecologie et Evolution) de l’Université de Liège sous la direction des professeurs Jean-Henri Hecq et Anne Goffart. Mais on a encore bien du mal à les expliquer et il convient de faire la part des choses entre des impressions purement subjectives et les données réellement scientifiques. Si, par exemple, l'industrie halieutique fréquente une nouvelle zone de pêche, il est tentant pour les pêcheurs d'interpréter une abondance de méduses dans les filets comme un phénomène anormal, alors que ces animaux sont peut-être présents massivement dans cette zone depuis très longtemps ».  

Même appel à la prudence d'interprétation par rapport aux phénomènes observés le long des plages touristiques : «  les « invasions » de méduses constatées sur les plages ne signifient pas nécessairement qu'elles sont anormalement nombreuses en mer. Il suffit parfois d'une conjonction d'événements relativement anodins pour donner une fausse impression. C'est le cas, par exemple, lorsque la migration verticale de méduses (phénomène fréquent en fin de journée dans nos eaux tempérées) est suivie d'une rencontre avec un banc de poissons prédateurs. Cet essaim de méduses initialement actives et en bonne santé peut alors se transformer, éventuellement sous l'effet d'autres facteurs comme la turbulence des courants, en un essaim « passif » constitués d'individus blessés et épuisés. Poussés par les courants dominants, ceux-ci n'ont plus qu'à se laisser dériver et à s'échouer sur les plages ». De bien piètres « invasions », en réalité, quelque peu amputées du caractère agressif prêté par les touristes gênés dans leurs activités…

La Corse : un lieu d'étude idéal

Pour étudier de tels phénomènes, et particulièrement l'évolution des populations de méduses, l'Université de Liège dispose d'un atout de taille. Installée depuis le début des années 1970 dans la baie de Calvi, au nord-ouest de la Corse, la station océanographique Stareso a la particularité d'être implantée à l'écart de toute agglomération importante et d'être littéralement « immergée » dans un environnement terrestre et maritime largement préservé des principales influences humaines (pollutions). Autre spécificité : elle dispose depuis trente ans d'une somme impressionnante de données temporelles (météorologiques, physiques, chimiques et biologiques) relatives à l'écosystème marin. Une fois par semaine, un technicien sillonne la baie à bord d'une embarcation munie d'un filet à mailles de 200 micromètres le long d'un transect (itinéraire précis régulièrement parcouru) d'une vingtaine de minutes. Pour le compte des océanologues liégeois, il récolte ainsi un précieux zooplancton, « matériau » de base pour leurs investigations : larves de poissons, crevettes, œufs, larves d'oursin, appendiculaires, gastéropodes, etc.

STARESO

Parmi cette pêche miraculeuse figure un groupe de méduses particulièrement représenté en baie de Calvi : les Siphonophores Calycophores, privilégiées par Amandine Collignon « Si j'ai choisi ce groupe particulier de mésoméduses (méduses d'une taille moyenne) pour ma thèse, explique-t-elle, c'est à la fois parce qu'il est abondant en Méditerranée et très peu connu. C'est, aussi, parce que nos échantillons ont révélé que ces organismes, constitués de plusieurs catégories d'individus aux fonctions spécialisées, ont la particularité d'être présents toute l'année dans l'écosystème marin, particulièrement l'espèce polymorphe Chelophyes appendiculata. En effet, je ne pouvais pas courir le risque, pour une thèse doctorale de quatre ans, de n'étudier que des méduses dont les cycles interannuels sont connus pour s'étaler sur six ou douze ans… C'est pourquoi je me suis concentrée sur les Calycophores sans négliger pour autant une des méduses scyphozoaires (NDLR : les « vraies » méduses, de plus grandes tailles) les plus connues en Europe: la Pélagie (Pelagia noctiluca).  Mon objectif consistait à déterminer la variabilité de ces méduses et l'influence des facteurs biotiques (présence de phytoplancton et de zooplancton) et abiotiques (vent, température, courants marins, pollution, etc.) sur celles-ci ».

(1) Abondance et variabilité des méduses en baie de Calvi, thèse de doctorat, Amandine Collignon, Université de Liège, 2014.

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