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Le bal envahissant des ombrelles
17/11/2014

Un peu partout dans le monde, des portions entières de littoral sont occasionnellement envahies par les méduses. Si la périodicité de tels phénomènes est relativement connue (parfois depuis des siècles!), leurs mécanismes restent encore largement méconnus. Il faut dire que la physiologie elle-même de ces « Cnidaires », parfois bien plus petites qu'on ne le pense, reste un champ important d'investigations scientifiques. Dans sa thèse de doctorat,  Amandine Collignon, décrit (pour la première fois) l'ensemble du cycle de développement de d’une espèce clé, Chelophyes appendiculata, mettant en évidence une reproduction à la fois sexuée et asexuée ! Plus inquiétant : elle a aussi montré que les méduses, comme d'autres animaux marins locaux, sont  largement contaminées par des résidus de microplastiques.  Des travaux menés à la station océanographique Stareso (Université de Liège) en baie de Calvi (Corse).  

PelagiaLes méduses ne font pas souvent partie des histoires que l'on raconte aux enfants les longues soirées d'hiver... Chez la majorité des adultes, elles suscitent même une forme de répulsion, teintée d'effroi. Il faut dire que leurs tentacules, porteurs de cellules capables d'infliger des brûlures (qui ne sont vraiment urticantes que chez une minorité d'entre elles), ne font rien pour limiter l'antipathie suscitée par ces amas flasques et visqueux qui maculent les plages à certaines époques.

Il suffit pourtant de plonger ces mêmes méduses – regroupées dans le phylum (sorte d'embranchement) des Cnidaria – dans un aquarium adapté pour susciter des oooh et des aaah d'émerveillement chez ceux qui les vouaient hier aux gémonies. Le flottement quasiment « aérien » de ces invertébrés, démunis de la moindre carapace ou structure squelettique, ravit les regards au même titre que l'extrême diversité de leurs ombrelles : rondes ou angulaires, plates ou en forme de dôme, transparentes ou colorées, etc. Ces étranges animaux, qui partagent leur phylum avec les coraux et les anémones de mer, deviennent alors objets de curiosité, voire d'une franche fascination. Constitués à 95 % d'eau, ne sont-ils pas dépourvus de coeur et même d'un système nerveux dans le sens où on l'entend généralement ? Ne sont-ils pas capables de « fondre » en cas de manque de nourriture pour aussitôt se régénérer et grossir à nouveau lorsque celle-ci réapparaît ?  Certaines espèces (on en recense à peu près mille dans le monde, regroupées en 300 genres) ne portent-elles pas jusqu'à 800 tentacules par individu ?

Micro, macro, méso: des méduses pour tous les goûts

Ce que le grand public ignore, c'est qu'en marge des méduses « typiques » existe une multitude de méduses infiniment plus petites, certaines ne mesurant que quelques centimètres, d'autres étant pratiquement invisibles à l'oeil nu. S'il est intéressant d'étudier ces espèces peu spectaculaires, ce n'est pas seulement pour tenter d'arriver à une classification un tant soit peu rigoureuse au sein d'un phylum qui reste globalement peu connu et sujet à de fréquentes réorganisations. C'est, aussi, pour tenter de mieux comprendre les phénomènes de prolifération constatés un peu partout à la surface de la planète depuis à peu près trois décennies.

Le long de la Côte d'Azur, par  exemple, le secteur touristique n'est pas près d'oublier l'épisode de 2006, qui vit de véritables nuées de Pélagies - une espèce urticante à ombrelle mauve de 10 à 12 centimètres de diamètre, connue également le long des côtes de la mer du Nord -  envahir les eaux de baignade des stations balnéaires. Au cours des dernières années, d’autres pullulations de méduses ont été enregistrées tant en Méditerranée qu'en Irlande, dans le Golfe du Mexique, en Mer Noire, en Mer Caspienne, et jusqu'à l'Est des Etats-Unis et au Japon.

De tels épisodes font la une des journaux du fait qu'ils empoisonnent la vie des vacanciers. Mais ils font aussi les nuits blanches des pêcheurs. Présentes par millions d'individus, certaines méduses, qui vont parfois jusqu'à constituer 20 % du zooplancton, sont en effet capables de boucher les mailles des filets de pêche. Il arrive également qu'elles exercent une prédation importante – les méduses sont carnivores – sur les larves de poissons, tant dans l'environnement naturel qu'en aquaculture. Dans d'autres régions, notamment en Scandinavie, on a même vu de grandes concentrations de méduses - on parle  alors d'« essaims » - colmater les tuyauteries de refroidissement de centrales électriques. C'est dire l'impact économique de telles pullulations !

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