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Les gardiens du droit européen
12/11/2014

L’évolution de la jurisprudence fiscale de la Cour de justice est un exemple de ce type d’évolution. Melchior Wathelet : « En 1986, la Cour condamnait les mesures fiscales restrictives des Etats contraires à la libre circulation, même dans le cadre de la lutte contre la fraude fiscale. En 1998, sur base des mêmes textes juridiques, elle ouvrait un peu la porte en acceptant qu’ils adoptent des mesures restrictives à la liberté de circulation pour lutter contre des montages artificiels visant à contourner la législation fiscale. Depuis 2000, la Cour de justice sensible à leurs difficultés budgétaires laisse de plus en plus de liberté aux Etats dans leur lutte contre la fraude fiscale ». Et les juges changent. « J’ai quitté la Cour en 2003 pour y revenir en 2012. J’y ai retrouvé sur 35 collègues, trois seulement avec qui j’avais siégé avant 2003. »

Enfin l’adhésion à la Convention européenne des droits de l’homme ?

Dans ses conclusions, Melchior Wathelet défend la Cour contre les insinuations des eurosceptiques, qui accusent la juridiction de favoriser l’extension des pouvoirs de l’Union européenne plutôt que de veiller au respect des compétences des Etats membres. Il cite plusieurs affaires où la Cour rejette une interprétation extensive des pouvoirs des institutions européennes. Ce fut le cas par exemple en 1996, lorsqu’elle émit un avis interdisant aux institutions communautaires de décider de l’adhésion de la Communauté européenne à la Convention européenne des droits de l’homme (CEDH). « En 1993, j’étais président du Conseil des ministres de la Justice de l’Union européenne. Plusieurs Etats étaient favorables à l’adhésion de l’UE à cette Convention. Les Anglais étaient contre. Pour faire progresser le dossier, nous avons demandé à la Cour de justice si les institutions communautaires pouvaient décider de l’adhésion de l’UE à la CEDH. Elle a répondu en 1996 qu’il s’agissait d’une matière de niveau « constitutionnel », qui nécessitait donc une modification des traités, qui est du seul ressort des Etats. Dans le Traité de Lisbonne, les Etats ont ainsi inséré un article stipulant que l’UE allait adhérer à la CEDH ». Après l’entrée en vigueur du Traité de Lisbonne (2009), des négociations entre les pays membres du Conseil de l’Europe et de l’Union européenne ont abouti à un projet d’accord d’adhésion de l’UE à la CEDH. La Cour de Justice a reçu en juillet 2013 une nouvelle demande d’avis concernant cette adhésion. L’audience s’est tenue en mai de cette année, l’avis devrait donc logiquement être rendu prochainement.

Vers plus d’efficacité

Le règlement de procédure de la Cour a été modifié en 2012 afin d’améliorer l’efficacité de la juridiction. « Dans certaines procédures, si elle s’estime suffisamment éclairée, la Cour peut décider qu’il n’y aura pas d’audience et se limiter à une procédure écrite pour aller plus vite, sans devoir inviter à Luxembourg les avocats issus des 28 Etats membres, explique Melchior Wathelet. Elle recourt aussi désormais à des procédures d’urgence, par exemple si un juge national lui pose une question dans une affaire où une personne se trouve en détention ».

Selon Melchior Wathelet, d’autres réformes seraient nécessaires pour améliorer la Cour de justice, notamment en ce qui concerne le mandat des juges. Alors que les juges en charge de l’application du droit national sont nommés à vie, ceux nommés par leur gouvernement à la Cour de justice ne le sont que pour une durée de six ans. « Pour être complètement indépendants, ils devraient être nommés à vie car leur carrière dépend quelque part de ceux qui les ont nommés et qui vont éventuellement les renommer ». Dans les conclusions de son ouvrage, l’avocat général ne se berce guère d’illusions quant à une évolution prochaine à ce niveau : « Ce n’est probablement pas avant longtemps qu’on connaîtra à la Cour de Justice de l’Union européenne des juges ou des avocats généraux nommés à vie (…). Il y a toujours eu au niveau international une volonté des Etats de garder une certaine mainmise sur les juges internationaux par la limitation dans le temps de leur mandat ».

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