Réactions tardives des pays occidentaux

La montée en force des pays émergents au sein de l’Afrique suscite des réactions dans les pays occidentaux. Sebastian Santander : « Alors que l’Europe se désintéressait quelque peu de l’Afrique, elle constate que les émergents y sont de plus en plus présents, investissent dans des secteurs comme les mines et qu’il s’agit d’une menace pour ses intérêts. Les Européens parlent d’un nouveau mouvement de colonisation de l’Afrique mais au-delà des discours, il y a peu de changements dans les politiques européennes vis-à-vis de ce continent. On tente d’intensifier les relations économiques et commerciales à travers la négociation d’accords, comme les zones de libre-échange entre l’Union européenne et certains pays ou groupements régionaux africains. Dans les faits, les Européens demeurent encore très tournés vers eux-mêmes, préoccupés avant tout par l’évolution actuelle de l’Europe ». La réaction semble tout aussi tardive du côté américain. « Sous l’administration Obama, l’Afrique a été le parent pauvre de la politique étrangère américaine. On s’attendait à une politique plus assertive de la part d’une personne dont le père était kenyan. Il aura fallu attendre la fin du premier mandat du Président Obama, en 2012, pour relancer les relations politiques, économiques et commerciales avec le continent africain ».
 
L’influence croissante des pays émergents en Afrique modifie quelque peu la géopolitique sur le continent noir. « C’est le cas au Soudan par exemple, un pays qui fournit 8% de la consommation pétrolière de la Chine (2), note le responsable du Centre d’études pour les relations internationales de l’ULg. Pendant des années, des conflits importants ont déchiré le Nord et le Sud, l’Est et l’Ouest du Soudan. Or, la majorité des puits de pétrole se trouvent au Sud-Soudan tandis que les infrastructures pour l’exploiter et l’exporter sont au Nord. Cette situation hypothéquait les intérêts de la Chine, qui a tenté de rapprocher les parties pour trouver une solution. Elle a donc joué un rôle de médiateur politique là où on aurait pu s’attendre à un rôle plus poussé de l’Afrique du Sud, considéré comme leader hégémonique en Afrique ».

L’un des objectifs de l’ouvrage était de chercher à savoir si l’expansion des pays émergents en Afrique est l’expression d’un décentrage progressif du pouvoir mondial. « C’est clairement le cas, répond Sebastian Santander. Les pays du Nord ont perdu des marchés au profit des pays émergents et leur poids relatif en Afrique diminue. Les rapports de force sont en train de se modifier, mais cette évolution demeure très lente. Pour qu’elle soit plus importante, il faudrait que les pays africains se dotent de stratégies coordonnées à l’égard des émergents, de l’Europe et des Etats-Unis. C’est encore très rare. A l’exception de l’Afrique du Sud, les pays africains n’ont pas encore adopté de stratégie à long terme dans leurs rapports avec les acteurs extérieurs ».

(2) L’Afrique fournit à la Chine 30% de ses approvisionnements en pétrole.