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La lignine : une ressource pour faire flèche de (presque!) tout bois
14/10/2014

Un nouveau tremplin pour la recherche

Bioraffinage lignineLe principal intérêt de cette recherche est d'avoir validé les méthodes (de type résonance magnétique nucléaire, spectrométrie de masse, chromatographie, etc.) permettant de modéliser la structure de la lignine. « Nous disposons dorénavant d'une banque de données permettant de visualiser, d'une façon précise et instantanée, les différents types de lignine et leur structure chimique. Ces informations peuvent constituer un précieux tremplin pour d'autres travaux permettant d'assigner potentiellement une valeur à tout type de déchet ».

Attention ! Par « valeur », il faut entendre une notion très large, empreinte de considérations économiques, mais aussi environnementales voire sociologiques. Explication : «Chercher à remplacer systématiquement les produits d'origine pétrochimique par des matériaux biosourcés relève d'une certaine naïveté  ou du « greenwashing », précise Aurore Richel. Il importe maintenant de mener des analyses du cycle de vie complet des nouveaux produits depuis la plantation du végétal jusqu'à l'élimination finale. Sur ce plan là, mais aussi sur le plan toxicologique (on ignore presque tout de la toxicité des sous-produits de la lignine), les recherches n'en sont qu'à leurs premiers pas ».

L'autre limite de cette « chimie verte » réside dans la portée économique des matériaux biosourcés, particulièrement en Belgique. Certes, en théorie, le champ de cette « économie circulaire » (chaque déchet d'une filière X constitue la matière première d'une filière Y) est énorme. La lignine est ainsi pressentie comme une alternative crédible au pétrole pour la fabrication de produits chimiques aussi fondamentaux que le benzène, le toluène, le xylène, etc. Déjà, certains laboratoires tentent de la dépolymériser, c'est-à-dire de la déconstruire au maximum jusqu'à ses structures de base, telles que la chimie industrielle peut les utiliser. Encore faut-il être bien conscient des atouts et des limites de la zone géographique où ces recherches ont lieu. « A Gembloux Agro-Bio Tech, nous sommes convaincus qu'il faut s'orienter, dans nos régions, vers des marchés de niche alimentés essentiellement par les matières premières locales. Ni la Région wallonne, ni même la Belgique, ne pourront jamais fournir de grandes quantités de matières premières pour ces nouveaux produits et ces molécules. Tout simplement parce que notre territoire est trop petit. De plus, certains résidus ont déjà des utilisations qu'on imagine mal voir remises en cause, sinon marginalement : par exemple l'incorporation des pailles de céréales dans le sol à des fins d'amendement du sol, l'utilisation des « liqueurs » de papeterie à des fins de production énergétique in situ, etc. »

Bref, l'équation est à la fois passionnante et complexe. D'une côté, un contexte politique européen, national et local qui, à coups de directives et de décrets (et, chez nous, le Pôle de compétitivité GreenWin), promeut la diversification d'approvisionnement énergétique et la recherche de solutions plus « durables ». De l'autre, une production agricole ou forestière faite de volumes relativement modestes, qu'il faut pourtant rendre les plus constants et homogènes possibles pour répondre aux besoins du marché. Ceux-ci, en effet, s'accommodent mal des irrégularités liées aux saisons ou à la météo: les déchets de tonte de pelouse, ce n'est pas exactement la même chose que des broussailles ou les noyaux et le jus de cuisson de l'industrie des confitures ! Ces besoins, par ailleurs, sont eux-mêmes potentiellement sujets à divers aléas ou aux effets de mode. Or la recherche, nécessairement lente, est soumise à ces forces contradictoires. « Notre force, à Gembloux, s'enthousiasme Aurore Richel, c'est de disposer d'équipes de plus en plus multidisciplinaires, comptant évidemment des chimistes et des bio-ingénieurs, mais aussi des économistes, des spécialistes du marketing ou du cycle de vie, etc. Qui, chacun, peuvent compter sur le savoir-faire de leurs départements respectifs : technique, scientifique, agronomique, économique, mathématique, statistique, etc. »

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