Liège dans la tourmente
Guerre économique Le livre s’attarde ensuite sur les réactions de la population liégeoise et des autorités communales face à l‘invasion, donnant par exemple une liste de mesures pratiques et vexatoires prises par les Allemands dès leur entrée dans la cité ardente, comme cette obligation de laisser ouvertes les portes des maisons la nuit (elle sera en vigueur jusqu’au 10 septembre), l’instauration d’un couvre-feu ou l’obligation d’utiliser la langue allemande ! Mais au-delà de la vie quotidienne, existe-t-il encore une possibilité de vie économique dans une ville, une région sous occupation militaire ? Pascal Deloge et Arnaud Péters tentent de répondre à cette question même s’ils posent d’emblée les limites de l’exercice : ce n’est pas sur ce thème que les sources sont les plus nombreuses ni les plus fiables. L’exploitation des ressources du pays est totale : « on peut la décrire comme un pillage pur et simple », écrivent les auteurs. Et cela se produit en deux étapes. L’économie belge, et singulièrement la puissance industrielle liégeoise, est tout d’abord intégrée dans l’économie allemande victorieuse par le biais par exemple de réquisitions de biens. Mais au fil du temps, surtout à partir de 1917, les militaires l’emportent et les mesures sont d’autant plus brutales que le conflit dure, que l’Allemagne s’appauvrit et qu’elle doute de la victoire. Le but est alors d’anéantir les concurrents de l’industrie allemande ; on assiste donc à des déprédations et des démantèlements d’usines, mais aussi de fermes, d’élevages. Liège connaîtra cependant une exception : l’industrie du charbon. Son activité restera importante tout au long du conflit : le charbon est vital et il n’est évidemment pas possible de démanteler une mine pour la reconstruire ailleurs ! A contrario, la sidérurgie paiera un tribut énorme : en 1918, tous les hauts-fourneaux sont éteints, la plupart complètement détruits. Dans ces conditions, le patronat fut-il d’un patriotisme sans faille ? Le dilemme était de taille : poursuivre la production (et donc aussi offrir du travail aux ouvriers et employés) ou arrêter toute activité ? Il l’était d’autant plus en région liégeoise que les liens d’affaire avec l’Allemagne étaient importants et que capitaux, ingénieurs et techniciens allemands étaient fort présents. L’exemple le plus fameux étant celui de la FN (la Fabrique Nationale d’armes de guerre)… dont le conseil d’administration est majoritairement allemand depuis la fin du XIXe siècle ! Pour adoucir les dures conditions de vie et atténuer les effets de la situation économique, il y a les œuvres de bienfaisance. L’explosion extraordinaire de leur nombre fait d’elles une caractéristique essentielle du premier conflit mondial. Sophie Delhalle en analyse quelques-unes, mettant en évidence le caractère « discret » (c’était leur qualificatif affiché) de certaines d’entre elles, celles-ci étant réservées aux classes moyennes (la « petite bourgeoisie » selon l’appellation de l’époque), peu enclines à laisser voir leur misère.
Une guerre se gagne aussi sur le front du renseignement. Le chapitre que Francis Balace consacre à la guerre secrète est, de ce point de vue, plutôt navrant. Du moins dans sa première partie, consacrée à l’avant-guerre et aux premiers mois de celle-ci. L’espionnage et le contre-espionnage belges ? Un beau sac de nœuds selon l’expression de l’auteur. Il s’en dégage la figure du liégeois Charles Arthur Troupin, homme de moralité douteuse, renvoyé de l’armée pour instabilité mentale, personnage haut en couleurs et qui, début août, parviendra à se faire appointer par l’armée et avoir toutes les accréditations nécessaires pour se livrer à ses activités de renseignement, donnant des ordres basés sur de fausses informations ou des rumeurs, en compagnie d’un complice appelé… Rommel ! Vrai espion, vrai mythomane ou mouche du coche ? Arrêté, il est fusillé le 18 août avec son complice et sa concubine, Julia Van Wontherghem. Et Francis Balace de conclure cette histoire avec la causticité qu’on lui connaît : « L’ironie veut que sa (ndlr, celle de Julia) mort devant un peloton d’exécution belge ait été le seul service authentique qu’elle ait rendu à l’Allemagne. Aux voix indignées s’élevant partout après l’exécution d’Edith Cavell, l’Allemagne aura beau jeu, dans la presse en octobre 1915 et par une affiche du 2 décembre apposée dans tout le territoire occupé, de rappeler que la première femme exécutée pour espionnage l’avait été par les Belges ». Cela étant, l’auteur prolonge sa description du monde de la guerre secrète bien au-delà des premiers jours de guerre. Ce sont alors les premiers réseaux de « résistance » (le terme appartient plutôt à la Seconde Guerre mondiale), de renseignements qui sont décrits, notamment celui de Dieudonné Lambrecht puis de son successeur, Walthère Dewé, connu sous le nom de Dame Blanche. Page : précédente 1 2 3 suivante
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