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Liège dans la tourmente
10/10/14

Les ouvrages sur la Première Guerre mondiale n’ont pas manqué en cette année centenaire. En voici un (1) qui se focalise sur la région liégeoise sans se borner à celle-ci puisqu’il n’hésite pas à replacer les événements liégeois dans un contexte bien plus large. En une vingtaine de chapitres, il balade le lecteur entre faits militaires et vie quotidienne des civils, entre étude économique et panorama de la vie culturelle. Les chercheurs de l’Université de Liège y ont bien sûr apporté de nombreuses contributions.

COVER 14-18Il aurait été bien peu pédagogique d’entamer un tel ouvrage par la description des événements militaires sans mettre ceux-ci en perspective avec l’époque dans laquelle ils prennent place. Le livre des Editions du Perron évite magistralement cet écueil en ayant confié aux professeurs Francis BalaceCatherine Lanneau et Philippe Raxhon le soin de cette mise en contexte. Le premier, en plus de 40 pages !, signe une éblouissante synthèse des moments qui ont précédé cette « guerre que personne ne voulait vraiment » et de l’emballement d’une situation que plus personne, parmi les responsables politiques et militaires européens, ne va maîtriser. La seconde rappelle utilement combien à Liège, davantage encore que dans le reste du pays, « France et Allemagne s’affrontent, se jaugent et, surtout, tentent par tous les moyens d’étendre leur influence ». Quant au troisième, il pointe avec acuité les tensions, les tiraillements divers qui sont à l’œuvre en région liégeoise et dans le pays dans l’immédiat avant-guerre.

Après deux chapitres bienvenus consacrés aux armes et à l’industrie de l’armement, le moment est venu d’entrer dans le vif du sujet. C’est Christophe Bechet qui s’en charge, expliquant aux lecteurs le système de défense mis en place autour de Liège et la manière dont les Allemands vont s’en emparer. Il rappelle ainsi fort à propos que le point faible de cette défense est l’intervalle entre les forts. Et que Moltke, le chef d’état-major allemand qui a succédé à Schlieffen, conçoit dès lors l’idée de prendre Liège rapidement, par un coup de main, spéculant sur le fait qu’une fois la ville prise, les forts se rendraient. Mais les forts eux-mêmes ne sont pas exempts de défauts (à dire vrai plutôt nombreux !) sans compter la démoralisation des troupes qui se sentaient prises au piège. L’agonie des forts, que raconte Christophe Bechet par le détail, allait durer jusqu’au 16 août.

Dans le chapitre suivant, Christoph Brüll raconte la même histoire, celle de la prise de Liège, mais vue cette fois à travers les sources allemandes de l’époque. Selon certaines d’entre elles, la prise de Liège est vécue comme un acte héroïque, un coup de main audacieux… au cours duquel naît un mythe : celui de Ludendorff, génie militaire. Ce qui ne correspond pas vraiment à la réalité du terrain. L’effet de surprise est peut-être davantage du côté allemand que du côté belge : les Allemands ne s’attendaient pas à une telle résistance de la part des Belges, mais bien plutôt à ce que nous leur laissions le champ libre. La (mauvaise) surprise a donc été pour eux plutôt que pour les défenseurs des forts liégeois. On comprend dès lors mieux la nervosité qui monte dans leurs rangs. On voit poindre dans des sources analysées par l’auteur une certaine peur panique qui montre toute l’improvisation, le chaos que fut en fait cette campagne. Et cela ouvre la voie –il faut bien justifier ce chaos imprévu !- à ce que Christoph Brüll appelle la « psychose des francs-tireurs ». On le lit dans certaines lettres : « Maintenant, le vrai combat commence. Plus dangereux que les soldats sont les civils qui nous tirent dans le dos depuis leurs maisons. » De quoi aussi, bien sûr, légitimer dans la suite les sanglantes représailles contre la population. L’auteur cite ainsi l’historique d’un régiment d’infanterie qui montre le culot et la condescendance dont l’Allemagne faisait preuve à notre égard : « La population ameutée par son gouvernement paie le prix lourd pour son fanatisme. Nous avions imaginé différemment le début de la guerre. Nous voulions utiliser la Belgique comme pays de passage, ce qui était une nécessité de notre conduite de guerre. Nous l’avons laissée derrière nous comme un pays dévasté, un fanal de la guerre impitoyable ».

(1) 1914-1918. Vivre la guerre à Liège et en Wallonie. Sous la direction de Christine Maréchal et Claudine Schloss. Editions du Perron, 464 p. Nombreuses illustrations.

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