Les racines et l’essence d’une crise
Il y a un point commun entre ces définitions. Elles traitent d’une même réorganisation des rapports entre marché et Etat. Cette réorganisation est dictée par une idéologie néolibérale qui s’oppose au keynésianisme prôné en Europe continentale jusqu’à la fin des années 1970. Alors qu’on la pense garante du bien commun, la régulation contraint l’Etat à se mettre au service du marché. Selon l’auteur, elle « garantit et renforce l’ordre concurrentiel » du libre marché, au détriment d’autres valeurs comme la justice sociale ou la solidarité. Une fois nettoyé de ses approximations sémantiques, il devient évident que l’ordre régulatoire vogue aux antipodes de l’ordre de l’Etat-providence. « On ne peut nier qu’il y a un creusement des inégalités, continue le juriste. Il ne s’agit pas de dire que ça infirme le système actuel, mais on peut s’en inquiéter et se demander ce qu’on peut mettre en place pour parer à ces difficultés. Je ne dis pas pour autant qu’il faut retourner à l’Etat-providence car, une fois encore, ce n’est pas à l’académique de faire des propositions politiques. C’est de toute façon impossible actuellement, car ce système s’accompagne d’une nationalisation impensable en crise des dettes souveraines. Et puis la globalisation permet aux entreprises de se délocaliser de plus en plus facilement, ce qui ne joue pas en faveur d’un système qui imposerait une plus grande pression fiscale. Nous ne pouvons donc qu’établir un constat sans pour autant retourner au passé. » Un marché financier amnésiqueL’ouvrage ne propose pas un système économique et un cadre juridique clé sur porte. Ce n’est pas la finalité de la sphère académique. Mais, balançant entre principes généraux et cas particuliers, il permet de dresser de belles lignes de conduite et de défricher une série de mécanismes sous-jacents à la crise. L’interdisciplinarité mise au service d’une objectivité recherchée aide à redonner sens à des termes éculés. Forts d’une signification renforcée, ces concepts tracent les tendances transversales de l’ouvrage. Il en ressort des constats connus ou soupçonnés par beaucoup, mais scientifiquement remis en contexte, parmi lesquels la perdition des Etats souverains, l’Europe suffocante et gagnée à la cause du néo-libéralisme anglo-saxon, l’évolution de la globalisation, la marchéisation et la financiarisation des entreprises, la précipitation vers la concurrence au détriment de la coopération et une utilisation du marché dans une perspective exclusivement à court terme. Le tout peut finalement tenir en deux mots : la cupidité et la mauvaise foi. La mauvaise foi d’une idéologie qui se déguise en une succession de faits rationnels et qui frôle l’amnésie. L’amnésie sélective, à tout le moins, qui laisse au passé ses dimensions plus humaines de coopération et d’intérêt général. Page : précédente 1 2 3 4
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