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Les transferts artistiques dans l’Europe gothique
01/10/2014

Au cours de la période gothique, notre continent est caractérisé par une mobilité artistique considérable. Au-delà de la simple circulation des artistes et des œuvres entre le XIIe et le XVIe siècles se pose la question de l’impact des ces transferts artistique sur la formation de la culture européenne. L’ouvrage collectif Les transferts artistiques dans l’Europe gothique (1) apporte des réponses neuves à cette question. 

COVER Transfert artistesAu cours de la dernière décennie, la problématique de la mobilité a pris une dimension nouvelle sur le sol européen. En effet, le Traité de Maastricht et l’entrée en vigueur de l’Espace Schengen sont venus renforcer la construction de l’Europe, soulevant au passage de nombreuses interrogations sur la circulation des biens et des personnes. C’est dans ce terreau favorable à l’étude des échanges culturels que s’enracine le projet de recherches sur les transferts artistiques dans l’Europe gothique. Mené par l’Institut national d’histoire de l’art de Paris, le Département Transitions de l’Université de Liège, et l’Université Toulouse II - Le Mirail, il a abouti, après plusieurs workshops et journées d’étude, à une publication fondatrice(2). Son objectif est de « faire le point sur cette question de la circulation des artistes, des savoir-faire, des formes, des œuvres et des modèles, de comprendre le rôle de cette mobilité dans les évolutions artistiques de l’Occident médiéval ». 

Le choix de l’époquegothique est loin d’être anodin. Cette période historique, qui couvre une partie du Moyen Âge, a été particulièrement propice à la mobilité des artistes et des œuvres ; ère de mutations tant sociales qu’esthétiques, elle porte également les germes de la première Renaissance. Le style gothique prend sa source en France, au XIIe siècle, et se répand ensuite dans le reste de l’Europe. Ainsi, la collégiale gothique Saint-Pierre de Wimpfen im Tal, qui date du XIIIe siècle, est qualifiée par son doyen d’opus francigenum : cette expression latine fait explicitement référence, comme l’explique Marc Carel Schurr (professeur d'histoire de l'art à l'université de Strasbourg), à l’origine française de ce style. 

Mais au-delà de ce choix temporel, un des apports principaux de cet ouvrage est son approche fondée sur la notion de « transferts artistiques ». Derrière l’emploi de cette expressionse cache un enjeu de taille, comme l’explique Benoît Van den Bossche, professeur d’histoire de l’art du Moyen Âge à l’Université de Liège et co-directeur de la publication : « Depuis longtemps, les historiens de l’art abordent les oeuvres en parlant d’ “influences” : telle peinture d’Antonello da Messina, par exemple, témoigne d’une influence flamande, et ainsi de suite. Or, ce terme, qui est employé de manière récurrente, ne renvoie pas à une notion clairement définie ». Plus encore, ce mot suppose que les formes et les pratiques artistiques constituent des puissances autonomes, qui peuvent tour à tour avoir de l’influence ou être influencées. Or, l’objet d’art, sa thématique ou sa technique ne diffusent rien par eux-mêmes : c’est l’artiste qui agit, et décide de les reproduire ou de s’en inspirer. 

Au caractère vague (et relativement commode) du mot « influence », ces chercheurs ont donc préféré l’expression« transferts artistiques ». Cette notion est souvent employée comme un synonyme de « transferts culturels ». Or, ces deux expressions recouvrent des réalités différentes, comme l’explique Simone Hespers (collaboratrice scientifique à l'université d'Erlangen-Nuremberg) dans l’ouvrage. Plus précise, ellepermet d’envisager la circulation des artistes et de leurs créations, mais également la transposition de styles, de thèmes iconographiques, ou encore de techniques d’une région à l’autre. Cependant, ces transferts sont loin de ne constituer que de simples copies : Mathieu Piavaux (chargé de cours en histoire de l'architecture et archéologie du bâti à l'université de Namur) le démontre en détaillant l’exemple de la Sainte-Chapelle de Paris, monument emblématique du style gothique. S’il s’est répandu partout en Europe, ce modèle s’est également transformé au contact des motifs et des savoir-faire locaux. Les différentes études de cas rassemblées dans l’ouvrage – et détaillées dans la suite de l’article – témoignent de la richesse de cette approche orientée vers les transferts artistiques.

(1) Les transferts artistiques dans l’Europe gothique, dirigé par Jacques Dubois, Jean-Marie Guillouët et Benoît Van den Bossche, Paris, éditions Picard.

(2) En outre, ce projet de recherches a donné naissance à une base de données couvrant la période gothique, où sont répertoriés les artistes européens qui ont exercé, à un moment de leur parcours, leur métier en dehors de leur lieu de formation. Au cours des prochaines années, cette base de données continuera à s’enrichir de nouveaux apports. 

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