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Course aux brevets dans la Belgique du XIXe siècle
22/09/2014

Les brevets à la Vieille-Montagne

À travers l’étude du cas de l’industrie du zinc, et plus particulièrement, l’histoire de la société de la Vieille-Montagne de 1806 à 1873, Arnaud Péters tente précisément de questionner ces liens entre innovation industrielle et course aux brevets. Il double ainsi son analyse quantitative d’une analyse technique, rendue possible grâce à un fonds d’archives d’une exceptionnelle richesse : les archives de la s.a. des Mines et fonderies de zinc de la Vieille-Montagne, première multinationale d’Europe et fer de lance de l’industrie belge du zinc. Ses archives donnent une nouvelle direction aux recherches du jeune doctorant, qui s’enrichissent dès lors d’une étude de cas pratique. Elles vont lui permettre d’interroger les brevets, de les comprendre mais aussi donner accès à de nombreux acteurs industriels nationaux et internationaux. « L’idée était de ne pas en rester à l’approche systémique qui est trop générale et ne permet pas de comprendre à elle seule le mécanisme de l’innovation. J’ai donc mené une analyse de chaque brevet touchant au domaine du zinc et essayé de comprendre comment ces brevets étaient utilisés et valorisés dans les usines. »

Dans l'industrie du zinc, l’usage des brevets est symptomatique. L’étude approfondie de brevets  permet à Arnaud Péters de rendre compte de trois usages principaux des brevets.

Tel qu’évoqué plus haut, certains brevets sont utilisés de manière publicitaire. Être titulaire d’un brevet constitue une marque de prestige qui joue en la faveur de son inventeur et lui confère une certaine aura. Ce type de brevets est toutefois sans grand intérêt et donne rarement suite à une exploitation par l’industrie.

D’autres brevets ont une finalité stratégique. Source de nombreuses nuisances industrielles, la Vieille-Montagne est dans la seconde moitié du XIXe siècle la cible de pressions de la part des autorités pour diminuer ses pollutions. Pour redorer son image, elle investit alors dans la recherche de procédés moins polluants. Ces brevets sont cependant vite abandonnés. Alors que les nuisances sont plus que jamais présentes, les efforts prennent fin comme si l'investissement dans la recherche de procédés propres suffisait à lui seul à blanchir l'entreprise.

Les brevets font ensuite l’objet ce que l’on peut appeler un « usage indirect » : l’analyse concurrentielle. Dès les années 1840 et 1850, la Vieille-Montagne pratique une forme précoce de veille technologique. La direction de l’usine envoie régulièrement ses ingénieurs à Bruxelles pour qu’ils y consultent les brevets déposés par la concurrence. Le fonds d’archives de l’usine rend compte de nombreuses innovations nées au XIXe siècle, commentées ou critiquées par les ingénieurs. Les brevets des concurrents alimentent ainsi les réflexions et stimulent l’invention. Si cet exemple semble démontrer que les brevets contribuent  à l’innovation, ce cas de veille technologique fait toutefois office d’exception à l’époque et reste donc marginal.

Si les brevets déterminants semblent rares, il existe toutefois quelques exemples de réussite. Dans l’industrie du zinc, on compte que une demi-douzaine de brevets qui auront un important impact économique. Ces brevets, dits « monopolistiques », vont permettre à leur inventeur de bénéficier d’une supériorité technique. Qu’ils se soient généralisés ou qu’ils aient été de purs échecs, les brevets n’en restent pas moins tous intéressants, comme l’explique Arnaud Péters : « Le but de mes recherches n’était pas de rendre compte des grands brevets qui ont marqué le XIXe siècle mais bien de proposer une conception holiste de l’innovation, c’est-à-dire d’en décrire les échecs aussi bien que les réussites. Les brevets sont de valeur très inégale mais tous nous éclairent sur les problèmes rencontrés par l’industrie au XIXe siècle ».

Vieille-Montagne

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