Tous les dix ans environ, l’Union européenne adopte de nouvelles directives relatives aux marchés publics. À charge des différents États membres de les transposer par la suite. Un an à peine après avoir adopté les règles européennes de… 2004, la Belgique doit désormais prendre en compte celles qui ont été votées par l’Europe en 2014. Dont trois évolutions majeures : l’intégration de critères environnementaux, de paramètres sociaux et l’informatisation des processus de passation. Ann Lawrence Durviaux, professeure de droit à l’Université de Liège, vient de publier un précis(1) passant en revue tous ces changements.
De l’achat de papier pour imprimantes à la désignation d’une entreprise chargée de réaliser un bâtiment en passant par le choix d’un fournisseur de fruits et légumes bio : pour autant qu’elles émanent d’une structure publique, toutes ces opérations devront inévitablement passer par la case « marché public ». État, régions, communes et collectivités territoriales sont toutes logées à la même enseigne lorsqu’il s’agit de conclure un contrat onéreux avec un partenaire.
Pas un jour (ou presque) ne se passe sans qu’un nouvel appel d’offres ne soit lancé. Chaque année, en Belgique, près de 20.000 pouvoirs adjudicateurs affecteraient pas moins de 50 milliards d’euros à l’achat de travaux (30%) et de fournitures et de services (70%). Ce qui génèrerait pas moins de 550.000 emplois directs et indirects(2).
Sous l’influence de réformes qui se succèdent à un rythme toujours plus soutenu depuis une cinquantaine d’années, la législation en la matière se modernise. « Et devient toujours un peu plus compliquée ! », constate Ann Lawrence Durviaux, avocate, professeure au sein de la faculté de droit de l’ULg et auteure de plusieurs livres consacrés à ce sujet, dont La réforme des marchés publics à paraître chez Bruylant(3), ainsi qu’un Précis de droit des marchés et contrats publics récemment publié chez La Charte(4). « Mais ce n’est pas la loi qui se complexifie, ajoute-t-elle. C’est la société. »
Simplification et assouplissement
Le 1er juillet 2013, la Belgique adoptait officiellement une nouvelle réglementation sur les marchés publics, résultant de la transposition de directives européennes formulées en… 2004. Lent ? Sans aucun doute. Mais la crise financière et les 541 jours passés sans gouvernement de plein exercice n’ont pas vraiment aidé à donner un coup d’accélérateur.
Reste qu’à peine cette réglementation promulguée, de nouvelles règles s’annoncent déjà. Le 15 janvier 2014, le Parlement européen votait en faveur de nouvelles directives, que les États membres ont jusqu’en avril 2016 pour transposer dans leur droit national.
Ces directives s’inspirent de bonnes pratiques présentes dans les différents pays de l’Union et devraient permettre, selon l’Europe, « la simplification et l’assouplissement des procédures de passation de marché ». Une révolution ? Plutôt une évolution. L’essence de la loi n’est pas modifiée, mais bien renforcée. « Quand un pouvoir public choisit un partenaire, il faut mettre en concurrence toutes les entreprises de l’Union européenne, sans discrimination. Cette idée fondamentale est persistante, explique Ann Lawrence Durviaux. Tandis qu’auparavant, on raisonnait davantage à l’échelle nationale. »
La spécificité des services
Lorsqu’on évoque les marchés publics, le premier réflexe est habituellement de penser à des chantiers d’infrastructure, à l’édification de bâtiments ou la fourniture de matériel. Historiquement, c’est d’ailleurs sur cette base que la législation s’était construite et que les modes de passation avaient été élaborés. Mais au-delà des biens, ces procédures s’appliquent de plus en plus à des prestations de services.
« Or acheter une voiture est un acte bien différent que choisir un médecin. Dans le second cas, l’expertise, le lien de confiance sont des paramètres importants. La part de subjectivation est beaucoup plus grande », souligne le professeur. Auparavant très standardisées, basées sur l’analyse de points factuels, les procédures tendent donc désormais à prendre en compte des aspects intellectuels. « Réinsérer des éléments qui touchent aux personnes dans le choix de l’offre est l’une des grandes évolutions. Les directives de 2014 admettent cette spécificité relative aux prestations de services. »
(1) Ann Lawrence DURVIAUX, La passation et l'exécution des marchés publics. Secteurs classiques et spéciaux, Dossiers, Larcier, 2014.
(2) Source : banque Belfius.
(3) Ann Lawrence DURVIAUX (sous la dir. de), La réforme des marchés publics. Actes du colloque de la Commission vie et droit des affaires, Bruxelles, Bruylant, à paraître en 2014.
(4) Ann Lawrence DURVIAUX, Précis de droit des marchés et contrats publics, Bruxelles, La Charte, coll. Bibliothèque de droit administratif, 2014.