Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Les « enrôlés de force » de 1940-1945: malgré eux?
06/07/2011

L'historien d'Aix-la-Chapelle Peter M. Quadflieg a prospecté ce champ historique encore trop peu investigué à ce jour (1). Et de ses recherches, il apparaît notamment que 20,7 % des soldats de la région relevant anciennement de l'Etat belge avaient adhéré à une organisation nazie avant le 10 mai 1940, tandis que 79,3 % y seront affiliés au lendemain de l'annexion. Il en ressort aussi que la grande majorité du contingent a été affectée à l'armée de terre (87,5 %) et une minorité à la Luftwaffe (10 %); 1,5 % seulement s'engagera dans la Waffen-SS. Ces chiffres montrent à suffisance qu'il n'y eut pas de disparité significative entre les jeunes militaires originaires du Reich et ceux provenant d'Eupen-Malmedy.

Front HeimattreueDans l'immédiat après-guerre, par contre, les uns et les autres ne furent pas logés à la même enseigne. Si l'on se limite à ceux dont Christoph Brüll a analysé le sort (2), on s'aperçoit que quantité d'entre eux resteront, jusqu'à fin 1947 à tout le moins, prisonniers de guerre en Union soviétique. Et que, destinée peu enviable, nombre parmi eux aussi, revenus au pays au cours de l'année 1945, se retrouveront sous les verrous à la prison de Verviers. Signe tangible de la suspicion qui pèsera, dès la paix revenue, sur les soldats ayant porté – ou plutôt dû porter – l'uniforme allemand durant la Seconde Guerre mondiale: 851 comparaîtront d'ailleurs devant un Conseil de guerre en 1946. De surcroît, suite à l'épuration, 2,41 % des autochtones des trois cantons seront condamnés pour incivisme, soit quatre fois plus que dans le reste de la Belgique.

C'est qu'une seule version « belge » du passé proche a d'abord prévalu dans notre pays. Le statut d' « incorporé de force » ne sera établi qu'en 1974, et le dédommagement financier pour les 5 000 soldats et réfractaires survivants ne sera fixé qu'en 1989, bien longtemps après que ne soit réglé juridiquement une problématique semblable pour les « malgré-nous » alsaciens et lorrains en France. Ce chantier d'étude, qui concerne au plus haut point la Communauté germanophone de Belgique, s'offre donc aux chercheurs, en particulier à ceux qui sont soucieux de se démarquer de la « victimisation » qui a trop longtemps imprégné le discours socio-politique des Cantons de l'Est.

(1) Peter M. Quadflieg, « Zwangssoldaten » und « Ons Jongen ». Eupen-Malmedy und Luxemburg als Rekrutierungsgebiet der deutschen Wehrmacht im Zweiten Weltkrieg, Aachen, 2008.
(2) Christoph Brüll, « Les "enrôlés de force" dans la Wehrmacht – un symbole du passé mouvementé des Belges germanophones au XXe siècle », in : Guerres Mondiales et Conflits Contemporains, 2011(1), n°241.

Page : précédente 1 2 3

 


© 2007 ULi�ge