Les « enrôlés de force » de 1940-1945: malgré eux?
Pour appréhender quelque peu le sort qui fut celui de ces « enrôlés de force », il convient de jeter un bref regard sur ce qu’était l’actuelle Communauté germanophone à la fin des années 1930. Cette société est alors partagée entre les Pro-Belges, où se retrouvaient tous ceux qui s'étaient accommodés avec la nouvelle patrie, et les Pro-Allemands, lesquels rêvaient volontiers d'une réintégration à la Heimat d'origine. Ceux-ci étaient représentés par le Heimattreue Front, parti révisionniste dont un certain nombre de dirigeants et de membres étaient acquis à l'idéologie nazie, tandis que les pro-Belges l'étaient par une Katholische Union que les attaques anti-catholiques du NSDAP inquiétaient et qui était soutenue à la fois par l'évêque de Liège et le journal Grenz-Echo. L'opposition lancinante entre les deux camps, véritable « barrière de communication », prit encore une tournure plus radicale à la suite de la politique extérieure de plus en plus agressive de l'Allemagne hitlérienne. Et c'est dans ce contexte très tendu que les élections du 2 avril 1939 eurent lieu. Cinq mois après ce rendez-vous électoral commençait la « drôle de guerre » dans une contrée à l'identité instable, « nouvelle patrie » belge en proie à de délicats conflits d'allégeance. Le service militaire y fut certes un vecteur d'intégration non négligeable, en particulier pour les fils des soldats allemands du conflit de 14-18, au point que la question militaire n'y constituait nullement une pomme de discorde. Mais fin décembre 1939, les choses changent: l'Etat-Major général ayant affecté aux TAA (« Troupes Auxiliaires d'Armée ») – par principe peu armées – les réservistes mobilisés dans leurs unités, un mouvement de désertions s'amorce qui verra environ 10 % des jeunes gens des cantons d'Eupen, Malmedy et Saint-Vith sous les drapeaux passer outre-Rhin pour y rejoindre un bataillon connu sous le nom de Brandenburger; ces transfuges aideront la Wehrmacht à entrer sur le sol belge. L'octroi de la nationalité allemande eut un impact autrement plus important: dans les Kreise d'Eupen et de Malmedy, le service militaire devint obligatoire. Et s'il y fut en général accepté comme une suite logique de l'annexion, il n'en fut pas de même pour les dix communes environnantes rattachées au territoire par l'administration nazie et qui, elles, avaient toujours relevé des autorités belges. Pas étonnant, dès lors, que les réfractaires à l'enrôlement y aient été nettement plus nombreux que chez les tout proches voisins germanophones. A l'image de la Résistance dont fit preuve, à la même époque, la population du Grand-Duché de Luxembourg. Quoi qu'il en soit, une fois leur instruction terminée, les soldats originaires d'Eupen-Malmedy se retrouvent pour la plupart sur le front de l'Est où, rares témoignages à l'appui, certains participent à la bataille de Stalingrad et au siège de Leningrad. Ont-ils été impliqués, en Russie, dans des crimes de guerre ou des mises à mort de civils? Difficile de répondre à cette question, car les sources font le plus souvent cruellement défaut. Page : précédente 1 2 3 suivante
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