Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Paroles d’ados
08/08/2014

Si toutes ces observations devront être confirmées via l’analyse de discours supplémentaires, elles livrent déjà des indications qui pourront améliorer la prise en charge thérapeutique. « Si on constate un discours immature et impersonnel, ça nous donnera une idée de ce qu’il faut faire, détaille le psychologue. Leur prêcher la bonne parole, leur dire "tu dois maigrir" risque de ne pas fonctionner si on ne les aide pas d’abord à mûrir, à acquérir un discours moins infantile. »

Combler le vide de la nourriture

Aurore Boulard souligne aussi l’important sentiment de solitude qu’éprouvent les adolescents obèses, même lorsqu’ils sont en compagnie de leurs parents et de leurs amis. « Les aliments deviennent dès lors un personnage, qui occupe une place tellement grande qu’on ne peut pas le supprimer du jour au lendemain. Il faut le remplacer par autre chose. De quoi nous parlent ceux qui se sentent bien ? Essentiellement de leur famille et de leurs amis. Il faudrait donc parvenir à remplacer la nourriture par le lien social qui leur fait défaut. »

« Les thématiques rencontrées dans les récits de vie nous donnent une base thérapeutique sur laquelle travailler, continue-t-elle. Puisqu’on sait par exemple qu’un adolescent dépressif se définit de manière négative, juge qu’il va d’échec en échec et ne se perçoit pas d’avenir, on va pouvoir essayer de l’aider à reprendre confiance en lui, à se projeter dans le futur. Peut-être pas dans les cinq ans à venir, mais simplement apprendre à faire des projets pour l’après-midi, pour l’heure qui suit, etc. »

D’autres recherches similaires sont également sur les rails, notamment avec des adolescents diabétiques et hémophiles. Les premiers résultats, encore partiels, montrent des spécificités thématiques et langagières au sein de ces deux groupes. Jean-Marie Gauthier et son équipe ont par ailleurs pour projet de s’intéresser à l’anorexie. Des contacts ont déjà été pris avec un hôpital. Mais la tâche ne sera pas simple : plus les pathologies sont lourdes, plus il devient compliqué de récolter un nombre suffisant de témoignages. Il a par exemple fallu un an et demi pour rassembler 20 discours d’adolescents dépressifs hospitalisés.

Les recherches d’Aurore Boulard l’ont également conduite vers une autre piste : celle d’étudier les récits de vie de jeunes de plus de 18 ans. Parmi les 268 interviews réalisées, quelques-unes concernaient déjà cette catégorie d’étudiants. recit jeunes 2La chercheuse a constaté que leurs discours étaient complètement différents et qu’ils étaient capables de métacognition, de prendre de la distance vis-à-vis d’eux-mêmes et de mettre en perspective leur vécu en fonction de leur propre vision du monde.

Une manière de boucler la boucle, après avoir sondé les paroles d’enfants de 3 à 13 ans puis de 12 à 18 ans. De nouvelles minutes d’enregistrement devraient donc venir s’ajouter aux 13.400 déjà retranscrites…

Page : précédente 1 2 3 4

 


© 2007 ULi�ge