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Paroles d’ados
08/08/2014

Qu’est-ce qui fait que tu es devenu ce que tu es aujourd’hui ? On pourrait croire les adolescents peu enclins à parler d’eux-mêmes. Pourtant, 268 d’entre eux n’ont pas hésité à répondre à cette question posée par Aurore Boulard, psychologue clinicienne et assistante à l’Université de Liège. Leurs discours ont ensuite été analysés grâce à un outil informatique pour mettre en évidence les thèmes et les mots les plus employés, avec pour objectif de comparer ces résultats à ceux enregistrés chez les jeunes dépressifs et obèses. Les différences rencontrées doivent permettre d’améliorer la prise en charge thérapeutique.  

Paroles adosTreize mille quatre cents minutes. Au minimum. L’équivalent de neuf jours et demi, sans interruption. Aurore Boulard n’a certainement pas fait le calcul. Mais elle en a passé, du temps, à écouter des adolescents parler d’eux-mêmes. Deux-cent soixante-huit, précisément. Qui, durant une cinquantaine de minutes, se sont confiés sur le même thème : Qu’est-ce qui fait que tu es devenu ce que tu es aujourd’hui ?

L’occasion de recueillir des récits de vie d’étudiants âgés de 12 à 18 ans. Un travail que cette psychologue clinicienne, également assistante à l’Université de Liège, avait déjà mené par le passé auprès d’enfants de 3 à 13 ans, et qui avait abouti au constant empirique que la compétence narrative s’acquiert vers l’âge de 12 ans. Seuls ces pré-adolescents sont en mesure de se raconter, de construire le récit de leur existence. Une compétence importante, à un âge où chacun commence à construire son identité propre vis-à-vis du monde extérieur.

Si plusieurs chercheurs s’intéressent à la construction des récits de vie à l’adolescence, tous mettaient au point jusqu’à présent des concepts théoriques basés sur des témoignages d’adultes. Aurore Boulard a pour sa part souhaité laisser la parole aux principaux concernés. Une étude d’autant plus originale qu’elle se base sur un logiciel informatique d’analyse textuelle. Une technologie qui permet de repérer les mots les plus fréquemment prononcés, les temps utilisés, la répétition de pronoms, de verbes, etc.

Un outil habituellement exploité par les linguistes et les spécialistes du marketing, que Jean-Marie Gauthier, professeur de psychologie de l’enfant et de l’adolescent à l’ULg, a eu l’idée d’appliquer à la psychologie. « C’est assez neuf, explique-t-il. Seule une autre école aux Etats-Unis procède de la même manière. L’objectif est de rapprocher la recherche et le travail de terrain. Lorsqu’on travaille en clinique, on va s’intéresser aux mots des jeunes assis en face de nous et essayer de les aider grâce à cela. Or on reproche souvent le caractère subjectif de la pratique individuelle. Notre ambition est dès lors de vérifier les hypothèses sur un grand nombre de cas pour rendre nos objectifs thérapeutiques plus précis. »

Efficacité, neutralité

L’exploitation d’un logiciel permet d’analyser un nombre important d’interviews, une tâche impossible à réaliser uniquement armé d’un papier et d’un crayon. Imaginez le temps qu’il faudrait pour repérer manuellement chaque « je » dans 13.400 minutes d’enregistrement et recommencer l’opération pour plusieurs dizaines d’autres pronoms et verbes… L’outil d’analyse textuelle se veut également totalement neutre, là où un chercheur pourrait être tenté de chercher dans le discours les mots qu’il aimerait y trouver.

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