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Les Aurignaciens

COVER AurignaciensParallèlement à son ouvrage sur la préhistoire de la Chine (lire l'article Le berceau chinois de l'humanité), Marcel Otte, professeur de préhistoire à l'université de Liège, a dirigé, toujours aux éditions Errance, la publication d'un recueil de textes consacrés aux Aurignaciens (1). Après l'Orient, nous voici donc de retour en Europe, à une période précise, relativement brève et proche de nous puisqu'elle se situe entre 40.000 et environ 27.000 ans avant le présent. Pour ceux qui sont peu familiarisés avec ces temps préhistoriques, rappelons que notre continent, aux confins de tout, a longtemps été une aire de peuplement marginale. Les Néandertaliens qui l'occupaient ont disparu devant la poussée de nos ancêtres directs, l'homme de Cro-Magnon, venu des steppes asiatiques. Autrement dit, l'essentiel de l'évolution anatomique, donc aussi culturelle, de l'homme ne s'est pas réalisé en Europe, mais bien au sein de continents vastes comme l'Afrique et l'Asie. Aurignaciens n'est qu'un terme générique donné suite aux découvertes archéologiques réalisées sur le site d'Aurignac, en Haute-Garonne, Cro-Magnon étant d'ailleurs le nom d'un autre site archéologique français. Vers 40.000 ou 35.000 ans avant le présent, les Néantertaliens sont mis en présence des Cro-Magnons: un cataclysme culturel qui les ébranlera au point de les faire disparaître, comme Marcel Otte le rappelle dans son introduction: « l'Humanité vit, se tient et prospère par l'idée. Une fois celle-ci mise en cause, une nouvelle stabilisation s'impose. (…) Dès que la clé de voûte idéologique s'effondre, tout le reste suit rapidement, jusqu'à l'anéantissement physique d'un peuple déboussolé  ». Bien plus près de nous, n'est-ce pas ce qui s'est produit lorsque les Espagnols ont pris pied en Amérique?

Chapitre après chapitre, le livre présente ainsi ce qu'on peut considérer comme une « civilisation » qui s'étendit progressivement d'Est en Ouest à tout le continent européen, à l'exception du Nord. Chez nous, la vallée de la Meuse abrite des sites aurignaciens. Le lecteur découvrira ainsi leurs outils et armes (pour la première fois, elles sont propulsées, ce qui rompt le corps à corps avec l'animal lors de la chasse et assoit définitivement la supériorité de l'homme sur l'animal), leurs habitations (pas seulement des grottes comme on le croit trop souvent, il y a aussi de nombreuses occupations de sites de plein air comme le montre Pierre Noiret, assistant au service de Préhistoire de l'ULg), leurs croyances, leurs parures et, surtout, leur art pariétal. C'est aux Aurignaciens qu'on doit les peintures de la célèbre grotte Chauvet en France, même si ce lieu semble constituer un cas particulier dans l'ensemble de la production artistique de l'époque, singulier par son génie, montrant tous les détails de l'art graphique d'avant Lascaux.

Il s'en dégage une « culture homogène, solidaire, audacieuse et démographique importante », comme le souligne Marcel Otte. Une « puissance » finalement, dont on comprend mieux, à la lecture de ce livre pourquoi elle a réussi à s'implanter en Europe au détriment des Néandertaliens. « La particularité essentielle, conclut Marcel Otte, y fut de glisser un monde de symboles, entre la réalité et l'action, autant dans les armes que dans les images ».


(1) Les Aurignaciens. Sous la direction de Marcel Otte, Paris, Editions Errance, 304 p.


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