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La vie en bleu
02/07/2014

En 2013, les chercheurs du CRC et leurs collègues de Harvard et de l'Université de Montréal apportèrent un argument fort en faveur de l'implication des cellules ganglionnaires exprimant la mélanopsine dans la réponse cérébrale enregistrée lors d'une tâche cognitive auditive(2). Pour cette tâche, les chercheurs recrutèrent 3 des quelques rares personnes aveugles (9 connues à travers le monde au moment de l'étude) disposant encore de leurs cellules ganglionnaires à mélanopsine. Ils montrèrent, grâce à l'IRMf, que les réponses cérébrales de ces sujets étaient fortement affectées par la présence ou l'absence de lumière bleue au cours de l'épreuve. « Néanmoins, ces résultats ne nous permettaient de tirer aucune conclusion définitive quant à l'implication de la mélanopsine dans les réponses cérébrales des personnes voyantes, indique Gilles Vandewalle. En effet, être aveugle depuis plusieurs années modifie sensiblement le fonctionnement cérébral. »

Mélanopsine et jeux de lumière

Les neuroscientifiques du CRC voulurent donc aller plus loin et, pour ce faire, nouèrent une collaboration avec l'équipe de Howard Cooper, du Département de Chronobiologie de l'Institut Cellules Souches et Cerveau de l'INSERM (Lyon). Ce chercheur avait notamment montré, chez l'animal et chez l'homme, que la mélanopsine est un photopigment capable de se régénérer seul. En cela, il se distingue des cônes et des bâtonnets. Lorsque ceux-ci ont capté un photon et transmis l'information lumineuse au cerveau, ils deviennent inactifs et doivent transiter par une cellule spécialisée dont la mission est de les régénérer. Si la mélanopsine devient inactive, elle aussi, après avoir capté et transmis une information lumineuse, elle est capable de se régénérer spontanément dans la cellule qui l'abrite, au contact d'un photon d'une longueur d'onde différente de celle à laquelle elle est le plus sensible : le bleu à 480 nanomètres.

« La mélanopsine est moins sensible au vert (520 nanomètres) et beaucoup moins au rouge (600 nanomètres), explique Gilles Vandewalle. En revanche, c'est le rouge qui présente l'efficacité maximale pour la régénérer. Lumière bleue table IRMLe vert que nous avons choisi comme lumière-test pour nos expériences (voir infra) a la propriété de convertir la même proportion de molécules de mélanopsine actives en molécules inactives que de molécules inactives en molécules actives. »

Howard Cooper avait observé chez le rat, au niveau cérébral, et chez l'homme, pour la contraction de la pupille, qu'une exposition initiale à la lumière rouge accroît la sensibilité à une lumière-test, bleue ou verte, projetée ensuite. Autrement dit, dans les expériences du chercheur de l'INSERM, l'intensité des réponses modulées par les cellules ganglionnaires à la mélanopsine dépendait de l'ambiance lumineuse qui avait été instaurée avant le test.

Pouvait-on mettre en évidence le même phénomène au niveau du cerveau humain ? C'est cette énigme que s'efforcèrent de percer Gilles Vandewalle et ses collaborateurs belges et français. Seize jeunes participants prêtèrent leur concours à une tâche cognitive auditive. Des lettres leur étaient énoncées. À eux de déterminer, au fur et à mesure, si chacune d'elles correspondait à celle qui avait été présentée trois étapes auparavant. « Il s'agissait d'un test de mémoire de travail nommé 3-back test, précise Gilles Vandewalle.

(2) Vandewalle G, Collignon O, Hull JT, Daneault V, Albouy G, Lepore F, Doyon J, Czeisler C, Dumont M, Lockley S, Carrier J (2013), Blue Light Stimulates Cognitive Brain Activity in Visually Blind IndividualsJournal of Cognitive Neuroscience 25(12):2072-85

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