« Sire, il n’y a pas de Belges ! »
Doté de centres d’intérêt multiples, Jules Destrée s’attache notamment à promouvoir la valorisation culturelle et artistique de la Wallonie. Grand défenseur de l’art wallon, il entend mettre en évidence une série d’artistes anciens, qui sont nés en Wallonie géographiquement ou y ont été actifs mais qui, pour autant, ne se définissaient pas comme wallons. « D’ailleurs, le terme “Wallonie” n’a pas toujours existé puisqu’il se popularise fin du XIXe siècle. Avant cela, on parlait bien de “Wallons” mais pas encore de “Wallonie” au sens géographique du terme » explique Catherine Lanneau. La Lettre au Roi : un texte novateur ?
C’est pourtant cette dernière qui a marqué l’histoire. Comment l’expliquer ? La renommée de la missive tient autant à la personnalité de son auteur qu’au moment de sa publication. Si la lettre de Destrée est reprise aussi massivement dans la presse et commentée, c’est d’abord parce que le militant socialiste était connu. De plus, la lettre est publiée dans la foulée des élections de 1912, à un moment où la géographie politique de la Belgique est assez clivée, même si elle est moins divisée que ce que les militants wallons veulent laisser penser. Sa publication durant l’été, période suspendue politiquement, a pu contribuer à sa popularité. Elle précède également la naissance de l’Assemblée wallonne, qui se voulait une espèce de parlement de la Wallonie. La lettre de Destrée est l’une des références de ce mouvement et va le demeurer au long des décennies et jusqu’à aujourd’hui. La lettre doit ensuite sa célébrité aux nombreuses réponses qu’elle va susciter, de la part de militants flamands mais aussi de certains catholiques wallons. En Flandre, la lettre n’est généralement pas bien perçue dans le sens où le mouvement flamand, excepté sa frange radicale, ne réclame pas de réforme des structures de l’Etat. Les critiques se concentrent en particulier sur la première partie de la lettre, dans laquelle Destrée affirme que les Flamands ont volé aux Wallons leurs artistes, leur argent, leur sécurité… et leur Belgique idéale en la transformant et en faisant en sorte qu’ils ne s’y sentent plus chez eux partout. Les critiques flamands vont démonter la logique de Destrée, affirmant qu’ils ont tout autant le droit que les Wallons de s’exprimer dans leur langue et de promouvoir leur propre culture. Les catholiques wallons affirment pour leur part que la situation politique est moins clivée que ne le prétend Destrée. « Ce qui n’est pas faux » confirme Catherine Lanneau. Certes, il y a une majorité laïque de gauche en Wallonie mais les catholiques et la droite ne sont pas absents et sont même plus présents que la gauche ne l’est en Flandre. Au nord de la Belgique, la majorité catholique est ainsi beaucoup plus dominante que la majorité laïque ne l’est au sud. En Wallonie, le parti catholique représente, selon les provinces, entre 34% (Hainaut) et 57% (Luxembourg) et n’est donc pas à négliger. Ce sont en fait les deux provinces industrielles très peuplées (Liège et le Hainaut) qui accordent la majorité à la gauche. « Cette question sera à nouveau abordée lors de la Question royale, après la Seconde Guerre mondiale. En analysant les résultats, on remarquera que, bien que la Wallonie ait majoritairement voté “non” au retour de Léopold III, les arrondissements de Verviers et de Dinant-Philippeville ainsi que la province de Luxembourg avaient pour leur part voté “oui”. La « Wallonie industrielle », a tendance à dire qu’elle représente la Wallonie alors que la réalité est plus nuancée que cela. » |
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