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Réacteur piloté par un accélérateur

Coeur réacteurUn réacteur ADS (acronyme de l'anglais Accelerator Driven System), appelé aussi sous-critique, ne ressemble guère aux réacteurs actuels. Il est constitué de deux parties bien distinctes: un accélérateur de particules et un réacteur, le premier fournissant au second les neutrons permettant à la réaction de se produire. C'est pour cette raison que ces réacteurs sont qualifiés de sous-critiques: la réaction nucléaire ne peut s'entretenir en chaîne comme dans des réacteurs classiques. Si on coupe l'approvisionnement en neutrons (c'est-à-dire lorsqu'on interrompt l'accélérateur), le réacteur s'éteint également.

L'accélérateur (par exemple un cyclotron) accélère des protons jusqu'à une énergie assez élevée. Ces protons sont ensuite précipités sur une cible de métal lourd (en général du plomb fondu ou du plomb-bismuth), située dans le réacteur et dans laquelle se produit alors la réaction appelée de spallation, qui génère un flux important de neutrons rapides. Ces neutrons vont alors interagir avec le combustible contenu dans le coeur du réacteur et provoquer les réactions de fission, mais en nombre limité. Un tel système pourra bien sûr produire de l'énergie (en plus de celle nécessaire à l'alimentation de l'accélérateur), mais son principal intérêt est qu'il permet l'utilisation de combustibles différents de l'uranium 235 ou du plutonium 239. Cela pourrait par exemple être du thorium (plus abondant que l'uranium) enrichi en plutonium produit par les centrales actuelles.

Si une telle installation ne sera fonctionnelle à Mol qu'au-delà de 2020, un « modèle réduit »y a été inauguré en mars 2010. Celui-ci, appelé GUINEVERE, consiste en un petit accélérateur de particules, construit par des équipes françaises, qui a été couplé au VENUS, réacteur de recherches du CEN.

Outre le plutonium et l'uranium recyclables comme combustibles, la décharge d'un réacteur comme ceux que nous utilisons en Belgique représente environ 50 kg de déchets radioactifs par tonne de combustible usé. Ces déchets se répartissent en deux catégories, les produits de fission et les actinides. Les premiers sont le résultat direct de la fission des noyaux lourds du combustible (uranium et plutonium) par les neutrons. La plupart d'entre eux (environ 46 kg sur les 50 de déchets) sont à vie courte, c'est-à-dire ont une période radioactive inférieure ou de l'ordre de 30 ans; c'est le cas du césium 137 et du strontium 90. Les autres produits de fission (environ 3 kg) sont à vie longue; c'est le cas par exemple du technétium 99, de l'iode 129 et du césium 135. Mais la capture de neutrons par les noyaux du combustible des réacteurs n'est pas toujours suivie d'une fission, loin de là. Ces captures produisent simplement des noyaux plus lourds que ceux d'uranium, appelés actinides dont le plus connu est le plutonium 239, qui est fissile et sert aussi de combustible. Les autres, appelés actinides mineurs (le dernier de nos 50 kilos de déchets) sont par exemple des isotopes du neptunium, de l'américium et du curium. Ils sont instables et ont des durées de vie souvent longues, restant ainsi nocifs pendant des milliers d'années.


La transmutation est la réalisation du vieux rêve des alchimistes: changer une matière en une autre. Plus scientifiquement, il s'agit de transformer un noyau en un autre par une réaction nucléaire provoquée par des particules avec lesquelles on le bombarde. On voit de suite l'intérêt du processus: transformer des isotopes radioactifs de longue durée en isotopes à vie nettement plus courte ou, pourquoi pas, en éléments stables, ne dégageant donc plus aucune radioactivité. Est-ce possible? En théorie, oui. En pratique, les difficultés à franchir sont encore énormes, la moindre n'étant pas de réussir à trier, séparer les différents types de déchets de manière industrielle.

La particule qui convient le mieux pour réaliser les réactions de transmutation est évidemment le neutron puisqu'il n'est pas chargé électriquement et qu'il est déjà disponible dans les réacteurs où il induit en permanence des transmutations... la plupart non recherchées comme nous l'avons vu. La meilleure voie de recyclage consiste donc à réinjecter les déchets dans une installation du même type que celle qui les a produits. Mais cette fois, en ne laissant plus faire la nature mais bien en la guidant. C'est le cas des réacteurs ADS parce qu'il est possible d'y calibrer le flux de neutrons. Du travail... d'orfèvre en quelque sorte! Ainsi, par exemple, le technétium 99 dont la demi-vie est de 200.000 ans pourra, par absorption d'un neutron, être transformé en technétium 100 qui a une demi-vie de quelques secondes et se transforme en ruthénium stable. Une réaction semblable transformera l'iode 129 en xénon stable. Dans d'autres cas, les transmutations ne conduisent pas à des éléments stables mais permettent de réduire les durées de vie, donc le temps de stockage.


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