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Qui peut voir mon casier ?
Le législateur a créé quatre catégories de « destinataires » et prévu un accès modulé aux informations qu’il contient : elles varient en fonction de la qualité du destinataire et de l’usage qui sera fait des informations communiquées. Les quatre catégories de destinataires sont : les autorités judiciaires et les autorités administratives chargées de l’exécution des décisions judiciaires en matière pénale ; les administrations publiques ; les particuliers et les autorités étrangères. Ce système est le fruit d’un compromis entre la nécessité pour certaines personnes de connaître le passé judiciaire d’un individu et celle de garantir à chacun le respect de sa vie privée. Et si aucun suspect n’est identifié pour le crime ou le délit qui vient d’être constaté ? Les procureurs du roi et juges d’instruction peuvent obtenir – dans le seul but d’identifier les auteurs d’un crime ou d’un délit punissable d’au moins trois ans de prison – une liste de personnes qui ont été condamnées ou internées, pour une ou plusieurs infractions déterminées. 2. Les administrations publiques, deuxième catégorie de destinataires, ne peuvent accéder au casier judiciaire que de manière beaucoup plus restrictive, partielle et conditionnée que les autorités judiciaires. Cet accès ne peut se faire que dans le cadre d’un objectif déterminé par la loi. Les finalités pour lesquelles les différentes administrations ont accès au casier sont précisées pour chaque administration ou service et le fonctionnaire doit préciser, pour chaque demande, la disposition légale justifiant sa demande d’accès. De plus, les administrations n’ont pas accès à toutes les données, et notamment pas aux condamnations les plus légères. Plus précisément, leur accès est limité aux seules données pertinentes pour l’administration concernée, dans le cadre de la mission qui lui est confiée. Si, dans le cadre de l’attribution des emplois publics, l’administration, comme futur employeur, a besoin de toutes les informations figurant au casier du candidat, afin de pouvoir exercer son pouvoir d’appréciation, il n’en va pas de même dans d’autres cas. Prenons le cas des interdictions professionnelles, par exemple. Pour pouvoir exercer certains métiers du secteur bancaire, on ne peut avoir été condamné pour escroquerie, abus de confiance, émission de chèques sans provision, etc. Pour exercer son rôle, l’administration concernée par le contrôle du secteur bancaire verra son accès au casier judiciaire limité à la mention de ces infractions entraînant une interdiction. En revanche, elle n’a pas à savoir si le candidat a éventuellement été condamné pour attentat à la pudeur. Malgré ces précautions, il existerait encore des abus. Vincent Seron cite ainsi des auteurs autorisés, déplorant que de nombreux fonctionnaires accèdent aux casiers judiciaires dans des cas qui ne le justifient pas. 3. Les particuliers sont la troisième catégorie de destinataires du casier judiciaire et ce sont eux qui en reçoivent les extraits les plus réduits. Une précision langagière s’impose cependant, tout d’abord : on ne parle plus du « certificat de bonnes conduite, vie et mœurs », dont les funérailles furent scellées par un arrêt du Conseil d’Etat, le 22 décembre 2006. La présence du mot « conduite » dans l’appellation du défunt document n’était pas anodine, puisqu’elle se rapportait au fait qu’il comportait une déclaration sur la conduite de l’intéressé. Relevant, en fin de compte, de l’appréciation discrétionnaire des autorités communales et de la police, cette déclaration selon laquelle Monsieur X était ou n’était pas « de bonne conduite » exposait le citoyen au risque d’une part d’arbitraire. Dans certains cas, la police pouvait disposer d’informations dont il ressortait que le comportement de l’intéressé était meilleur que ce qu’auraient pu laisser présumer les condamnations prononcées à son encontre. Ou, à l’inverse, qu’il était moins « innocent » que n’aurait pu le laisser croire sa situation judiciaire vierge de toute condamnation. Plus rien de tel avec le nouvel « extrait de casier judiciaire » qui a remplacé le défunt certificat, et qui se limite aux stricts antécédents judiciaires de l’individu. De plus, pour tenir compte de la nécessité du reclassement social, l’extrait de casier fourni aux particuliers est expurgé dans une large mesure, puisqu’il ne comprend ni les données inaccessibles aux administrations publiques, ni les mesures de défense sociale, ni les mesures en matière de protection de la jeunesse éventuellement prises à leur égard. L’autorité qualifiée pour la délivrance d’un extrait de casier judiciaire est le bourgmestre de la commune où l’on est inscrit. L’extrait ne peut être délivré qu’à la personne qu’il concerne, à l’exclusion du tout tiers, sauf (en cas de maladie ou d’infirmité, par exemple) les personnes dûment autorisées par l’intéressé. En revanche, un employeur privé, par exemple, ne pourra accéder lui-même au casier judiciaire d’un de ses employés. Un extrait, deux modèlesOutre la déclaration relative à l’activité pour laquelle le document est demandé, l’extrait comprend toutes les condamnations fermes et avec sursis encourues par l’intéressé. Il en va de même des mises à la disposition du gouvernement des récidivistes et des délinquants d’habitude, prises en application de la loi de défense sociale. L’extrait destiné aux particuliers inclut également les peines de travail prononcées à leur égard. Cette mention stigmatise inutilement les personnes concernées et appelle, selon Vincent Seron, une rectification rapide du législateur. Par contre, ne sont plus mentionnées après un délai de trois ans : les condamnations à des peines de police, les condamnations à des peines de six mois au plus, les condamnations par simple déclaration de culpabilité, les condamnations à des peines d’amende ne dépassant pas 500 € et les amendes infligées en vertu des lois sur la police de la circulation routière, quel qu’en soit le montant. Exception à l’exception : l’extrait de casier mentionnera les condamnations qui comportent une déchéance ou une interdiction dont les effets dépassent une durée de trois ans. Par ailleurs, des dispositions particulières sont prévues lorsque l’extrait est requis pour accéder à une activité qui relève du domaine de l’enfance. Mentions spéciales devant figurer sur les extraits de modèle 2 : lorsque l’extrait est demandé pour accéder à une activité relevant de l’éducation, de la guidance psycho-médico-sociale, de l’aide à la jeunesse, de la protection infantile, de l’animation ou de l’encadrement de mineurs, l’extrait mentionne en outre - pour les faits commis à l’égard d’un mineur, et pour autant que cet élément soit constitutif de l’infraction ou en aggrave la peine – les condamnations par simple déclaration de la culpabilité, les décisions ordonnant la suspension du prononcé de la condamnation ou la suspension probatoire, les décisions d’internement, de mise en liberté définitive ou à l’essai, etc. En bref, le législateur, à l’issue de débats fortement marqués par les affaires de pédophilie, a souhaité prendre des dispositions supplémentaires en vue de mettre les mineurs à l’abri de la délinquance sexuelle. 4. Les autorités étrangères sont la dernière catégorie de destinataires. La délivrance d’extraits du casier judiciaire central est prévue afin de se conformer aux conventions internationales d’entraide judiciaire ratifiées par la Belgique. L’idée de créer un véritable casier judiciaire européen a été caressée un moment, mais semble se heurter à de nombreuses difficultés. L’idée persiste néanmoins d’instaurer des « casiers judiciaires catégoriels », ciblés contre certaines formes de criminalité. Vincent Seron considère, lui, que l’interconnexion des casiers judiciaires nationaux est l’option la plus réaliste : des casiers interconnectés satisferaient aux critères de souveraineté, de rapidité de transmission des informations, de fiabilité et d’accessibilité. Reste à voir si une telle interconnexion sera aisément réalisable avec l’ensemble des 27 Etats membres de l’Union européenne… |
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