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Fonctions exécutives : les piliers de l'intelligence
06/03/2014

Proactif ou réactif ?

Une des théories récentes relatives aux fonctions exécutives est celle du dual mechanism of cognitive control (DMC), élaborée en 2007 par Todd Braver, du département de psychologie de l'Université de Washington. Elle postule que le fonctionnement exécutif n'est pas « figé » mais, au contraire, qu'il peut adopter un mode proactif ou un mode réactif selon les caractéristiques exactes de la tâche à effectuer et de la situation.

Dans un article publié en juillet 2012 dans PLoS One (1), le groupe de Fabienne Collette a voulu vérifier les prédictions du DMC. Au centre de l'expérience, le test de Stroop, qui mesure la capacité d'un individu de résister à l'interférence et donc à inhiber des informations non pertinentes. Dans sa version classique, le sujet doit dénommer la couleur dans laquelle sont écrits des mots désignant eux-mêmes une couleur. S'il est aisé de dénommer la couleur verte quand le mot écrit est « vert », l'opération est plus ardue quand le mot « rouge » est écrit en vert, par exemple.

Lorsque le test de Stroop proposé à des volontaires comportait de nombreux items interférents (le mot « jaune » écrit en bleu, le mot « rouge » écrit en noir, etc.), on observait que les participants se plaçaient en permanence en mode exécutif dans le but d'exercer un contrôle proactif. En quelque sorte, ils se disaient: « Je traite chaque information comme si elle était conflictuelle. » Par contre, si le test renfermait très peu d'items interférents, les participants se contentaient de réagir au cas par cas (mode réactif), jugeant qu'il n'était pas utile de consacrer d'importantes ressources attentionnelles pour demeurer en permanence en mode exécutif (proactif).

Que relevèrent les chercheurs sur le plan de la rapidité et de l'exactitude des réponses fournies ? Par rapport au mode réactif, le mode proactif ne se traduisait pas par un ralentissement dans le traitement des items les plus simples, mais par un traitement plus efficace des items interférents. En mode réactif, par contre, si les items simples étaient traités très facilement, les items interférents requéraient plus de temps qu'en mode proactif et étaient sujets à plus d'erreurs. « Autre constat issu de l'imagerie par résonance magnétique fonctionnelle (IRMf): les régions cérébrales activées étaient légèrement différentes selon le mode utilisé », précise Fabienne Collette.

Un effort de compensation

Les travaux de la neuropsychologue de l'ULg ont pour cible principale les relations entre le fonctionnement exécutif et le vieillissement normal ou pathologique (maladie d'Alzheimer). À l'occasion de tâches de laboratoire, on observe que le fonctionnement exécutif des personnes âgées (60-65 ans et plus) sans pathologie est un peu moins bon que celui de sujets plus jeunes. Comme le fait remarquer Fabienne Collette, tout indique par ailleurs qu'une dégradation très subtile est déjà à l'œuvre plus tôt. L'inhibition, quand elle ne relève pas de processus quasi automatiques, est une des fonctions exécutives le plus couramment altérées avec l'avancée en âge. Ainsi, chez les personnes concernées, le test de Stroop révèle un ralentissement du traitement de l'information et un nombre accru d'erreurs. De même, la flexibilité globale, celle qui, nous permettant de passer d'une tâche à une autre, nécessite le maintien en mémoire de travail des plans mentaux conçus pour la réalisation de chacune des deux tâches, s'érode avec le vieillissement. En revanche, la flexibilité spécifique, où le passage d'une tâche A à une tâche B ne requiert pas du sujet qu'il retienne le plan de travail de la tâche initiale, semble mieux conservée. L'attention divisée (effectuer deux tâches en parallèle) pâtit aussi de l'avancée en âge, mais pas de façon systématique. Et d'autres fonctions exécutives, moins étudiées en laboratoire, suivent probablement la même courbe d'effritement de leurs performances.

Epreuve flexibilitéQuelle est la traduction neurophysiologique de cette érosion ? « Il apparaît que dans les tâches exécutives, les personnes âgées recrutent différemment leur cerveau que les sujets jeunes, comme si elles essayaient de compenser leurs difficultés, rapporte Fabienne Collette. Concrètement, l'imagerie cérébrale fonctionnelle montre qu'elles "suractivent" certaines régions du cerveau par rapport aux individus jeunes ou que tout en activant ces régions, elles recrutent en plus des régions controlatérales. »

(1) Grandjean J., D'Ostilio K., Phillips C., Balteau E., Degueldre C., Luxen A., Maquet P., Salmon E., Collette F. (2012). Modulation of Brain Activity during a Stroop Inhibitory Task by the Kind of Cognitive Control Required, Plos One 7(7), e41513.

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