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Fonctions exécutives : les piliers de l'intelligence
06/03/2014

Ensemble de processus cognitifs de haut niveau qui nous permettent de nous adapter à notre environnement, les fonctions exécutives entrent en scène dès que les routines d'action ne peuvent suffire. À l'Université de Liège, elles sont au cœur des travaux du groupe de Fabienne Collette, qui les étudie en particulier dans le cadre du vieillissement normal ou pathologique.

Le plus souvent, nous agissons en nous reposant sur des procédures automatisées, des habiletés cognitives « surapprises » largement inconscientes. De la sorte, nous pouvons focaliser notre attention sur d'autres cibles - en particulier sur ce qui peut être perçu comme complexe, nouveau ou dangereux. C'est à ce stade qu'interviennent les « fonctions exécutives », ensemble de processus cognitifs de haut niveau qui nous permettent de nous adapter à notre environnement lorsque les routines d'action ne peuvent suffire.

L'exemple de la conduite automobile illustre bien le propos. Lorsqu'il fait beau et que la route est dégagée, un conducteur aguerri arrive à son lieu de destination en ayant conduit sur un mode automatique. Généralement, il lui sera d'ailleurs difficile de fournir des détails sur son trajet, car c'est à peine s'il se souviendra d'être passé à tel ou tel endroit, de s'être arrêté à tel ou tel feu rouge. Imaginons maintenant que la route soit glissante et plongée dans une semi-obscurité. Le conducteur doit alors être beaucoup plus attentif afin de sortir rapidement de ses routines d'action en cas de problème. Ainsi, s'il discerne un enfant faisant mine de se précipiter pour traverser la route alors que le feu est au vert pour les voitures, il reprendra le contrôle conscient de la marche de son véhicule et appuiera sur la pédale de frein en s'assurant qu'il peut ralentir en toute sécurité. Il sera donc sorti du mode automatique (j'appuie sur l'accélérateur quand le feu est au vert) pour faire appel au système exécutif et, en particulier, à une des fonctions qui le composent: la flexibilité, laquelle se traduit en l'occurrence par un changement du schéma d'action.

consuite nuit
Directeur de recherches du FNRS au sein du Centre de Recherches du Cyclotron (CRC) et de l'Unité de Neurospychologie de l'Université de Liège (ULg), le professeur Fabienne Collette  nous fournit un autre exemple mettant en jeu une fonction exécutive: l'inhibition. « Admettons que vous gariez votre voiture en stationnement interdit durant deux minutes pour décharger un colis, dit-elle. Lorsque vous revenez à votre véhicule, un policier est en train de vous verbaliser. Votre premier comportement pourrait être de l'agresser verbalement parce que vous vous estimez victime d'une injustice. En général, vous allez plutôt inhiber ce comportement inapproprié, expliquer calmement la situation  et vous excuser dans l'espoir de faire sauter votre procès verbal. »

Comportements intelligents

Les fonctions exécutives sont multiformes, ainsi que le soulignait en 1997 Patrick Rabbit, de l'Université de Manchester, dans son approche théorique de la question. Tantôt elles concourent à la formulation d'un but, à la planification et au choix des séquences de comportement à adopter pour l'atteindre, à la comparaison de l'efficacité de différentes stratégies, à la mise en œuvre du plan sélectionné jusqu'à son accomplissement final, à son amendement éventuel en cas d'échec. Tantôt elles participent à la recherche consciente d'informations spécifiques en mémoire ou à l'allocation des ressources attentionnelles permettant le passage d'une séquence de comportement à une autre mieux en phase avec les exigences de l'environnement. Tantôt encore elles coordonnent la réalisation simultanée de deux tâches, font obstacle à la mise en œuvre de comportements inappropriés, détectent des erreurs et les corrigent.

Toujours selon Rabbit, elles contribueraient également au maintien de l'attention soutenue sur de longues périodes de temps. De la sorte, elles rendraient possible l'exercice d'un contrôle élevé sur le déroulement de séquences de comportements prolongées.

Probablement les fonctions exécutives ne peuvent-elles être assimilées à l'« intelligence », d'autant que celle-ci demeure un concept brumeux à la définition incertaine, mais elles constituent assurément les supports essentiels des comportements dits intelligents, à telle enseigne que certains auteurs les assimilent au facteur g, sorte de dénominateur commun, réel ou factice (les avis divergent), à l'ensemble de ces comportements. « Les réseaux cérébraux impliqués dans la résolution de tests de Q.I. ou dans la réalisation de tâches sollicitant les fonctions exécutives se recouvrent très largement, commente Fabienne Collette. Il y a manifestement un substrat biologique commun. »

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