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Une histoire des germanophones de Belgique
27/02/2014

Le 23 octobre 1973 – date choisie pour clôturer ce volume consacré à l’après-guerre - est incontestablement une date essentielle pour la communauté germanophone puisqu’elle correspond à l’institution du conseil de la communauté culturelle allemande. Pour la première fois, les belges de langue allemande disposent de leur propre assemblée parlementaire. La proportion des membres par parti est d’abord fixée par rapport aux élections nationales. Le 10 mars 1974 a lieu la première élection directe de ses membres. « Il s’agit de la première élection d’un conseil de communauté culturelle en Belgique » rapporte Christoph Brüll.

La date de 1973 est cependant une césure arbitraire comme les historiens peuvent en fixer. En 1973, la population est peu concernée par ces débats autour de l’autonomie culturelle et de l’avenir politique de leur région dans une Belgique en mutation.

Au sortir de la guerre, il est reproché à de nombreux Belges de l’Est d’avoir collaboré avec l’ennemi allemand. Afin d’éviter que se reproduise la situation de l’entre-deux-guerres, l’Etat belge poursuit une politique d’assimilation. L’intégration de ces nouvelles populations germanophones après 1920 et jusqu’en 1940 était considérée comme un échec. D’où une tentative de mener une politique plus sévère après 1945, d’abord dans le cadre de l’épuration civique, puis au moyen de cette politique d’assimilation. Celle-ci consistait notamment en une francisation par l’enseignement. A partir de 1945, dans les écoles moyennes et secondaires, tous les cours sont donnés en français. L’échec de cette politique devient évident dès la fin des années 1950.

Ce passé passablement compliqué, de même que la perception partielle ou faussée que la population avait de la Belgique, expliquent le manque d’intérêt des germanophones pour les conflits politiques belges.  Dans les médias, et surtout dans le Grenz-Echo, principal journal de la région, ces conflits belgo-belges sont très peu évoqués. « Or l’autonomie de la communauté germanophone n’aurait jamais vu le jour sans le conflit belgo-belge. C’est vraiment un rejeton de celui-ci » ajoute Christoph Brüll. La population est très peu engagée dans le monde politique et sa participation aux débats sur l’autonomie est quasiment inexistante. Ces discussions sont l’affaire de quelques milieux restreints. Les premiers membres de l’assemblée parlementaire sont ainsi principalement des jeunes. Ceux-ci ont fait leurs études à Leuven, ils ont connu le mouvement étudiant et les milieux contestataires et ont vécu de près le conflit belgo-belge. Ils arrivent avec leurs revendications identitaires dans cette petite région.

La césure de  1973 est donc toute relative. L’importance qu’on lui reconnaît aujourd’hui est proche de passer inaperçue auprès de la population de l’époque. Il y a donc très clairement une différence entre le jugement postérieur et le jugement des contemporains.

Toutefois, l’année 1973 reste significative à d’autres titres. A côté des changements politiques, 1973 marque aussi la fin des trente glorieuses. La période de l’après-guerre et de l’essor économique entamé dans les années 1950 prend fin. Dans cette région essentiellement rurale, s’entame une phase de mutation économique, plus tardive que dans le reste de la Belgique. Les mentalités évoluent également. Le processus est semblable à celui de beaucoup de régions en Europe occidentale, même s’il arrive avec un décalage de quelques années et qu’il est loin d’être aussi violent. Plusieurs évolutions confluent donc au milieu des années 70 et justifient cette césure.

Ces différentes questions sont analysées dans l’ouvrage bien souvent pour la première fois ou à partir de perspectives nouvelles, en situant les événements dans un contexte belge. S’il laisse pas mal de portes ouvertes, la force de ce volume est d’amener des questions inédites et d’offrir un changement de perspective.

Conseil communauté culturelle

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