Le site de vulgarisation scientifique de l’Université de Liège. ULg, Université de Liège

Ces signaux GPS qui font fausse route
10/02/2014

C’est sur ce postulat que Gilles Wautelet a fondé ses recherches : « l'objectif de mon travail est de modéliser les irrégularités de ce qu’on appelle le TEC ou Contenu Electronique Total, qui est l’intégrale de la concentration électronique le long du trajet satellite-station, ou plus précisément d'identifier les comportements récurrents ainsi que l'amplitude de ces irrégularités en fonction de la saison, l'heure locale ou encore l'activité solaire ». Par ailleurs, il convient de définir précisément ce qu’on considère par « irrégularité ». Il existe différents types d’irrégularités selon l’endroit où l’on se trouve sur Terre, comme le témoigne le jeune chercheur : « on est relativement chanceux en Europe, sous nos latitudes moyennes. Finalement, on n’observe que très peu d’irrégularités extrêmes comme c’est le cas à l’équateur magnétique ou aux pôles. Et la situation est différente selon qu’on se situe dans l’hémisphère nord ou sud, ou même au Japon et aux Etats-Unis alors que la latitude est là aussi moyenne. On a, en Europe, une variabilité moyenne qui se manifeste principalement sous la forme de Traveling Ionospheric Disturbances (TID’s), ces ondes itinérantes qui se propagent dans l’ionosphère ». Les orages géomagnétiques (tempêtes solaires) constituent un autre type d’irrégularités importantes. Ainsi, des éjections de masse coronale, dirigées vers la Terre, interagissent avec le champ géomagnétique, ce qui se traduit alors en variabilité dans l’ionosphère. Cette variabilité, bien que plus importante que celle due aux TID’s, est toutefois beaucoup moins fréquente.

champ magnétiqueS’il est possible de prédire les effets d’une tempête solaire plusieurs heures à l’avance grâce à des satellites imageurs capables de détecter les nuages ionisés, c’est en revanche beaucoup plus compliqué pour les TID’s : « il s’agit d’observations faites sur plusieurs années. On sait que les TID’s sont généralement observées en automne et en hiver, et ce aux alentours de midi. On peut donc prédire des TID’s uniquement sur une base climatologique, grâce à un certain caractère récurrent. Évidemment cela ne se vérifie pas tous les jours. Pour l’instant, il est possible de prévoir leur occurrence avec une certaine précision, mais pas encore leur source », explique Gilles Wautelet.

De son côté, René Warnant est très satisfait de l’étude menée à partir des stations GPS installées sur le territoire belge et dont les données brutes ont été traitées par un logiciel développé à l’ULg : « il s’agit de la première étude statistique complète des différents types d’irrégularités ionosphériques affectant le GPS pour les latitudes moyennes en Europe. L’étude couvre une période de 10 ans (ndlr : de 2002 à 2011), ce qui représente pratiquement la durée d’un cycle solaire (environ 11 ans). Ce point est important car le « comportement » des irrégularités ionosphériques dépend de l’activité solaire ».

Résultats de l’étude

Cette recherche a permis d’apporter plusieurs précisions (2). Tout d’abord, il ressort que les irrégularités sont observées dans maximum 9 % du temps, ce qui implique qu’elles ne sont pas fréquemment observées, même durant les périodes de forte activité solaire. Ensuite, les irrégularités ionosphériques ont été divisées en deux grandes catégories : celles qui sont liées aux événements spatiaux (Space Weather, notées SW) et celles qui surviennent "en temps normal" (notées « quiet-time »). Même si les irrégularités SW sont responsables des plus grandes fluctuations du TEC, leur contribution oscille entre 0 (minimum solaire) et 25 % (maximum solaire) du nombre total annuel. Par conséquent, l’étude des taux de présence et l'analyse d'amplitude ont été axés sur les irrégularités « en temps normal », qui constituent la majeure partie des irrégularités détectées à des latitudes moyennes. Ces dernières ont été classées en deux groupes, notés « Winter Daytime » (WD) et « Summer Nightime » (SN). Alors que les WD sont responsables de près de 75 % des irrégularités annuelles « en temps normal », les SN sont assez rares (moins de 10 %). L’analyse a également révélé que l’amplitude des irrégularités WD est proportionnelle au TEC. Par contre, l’amplitude des irrégularités SN semble être corrélée négativement avec le TEC,  les valeurs les plus élevées étant généralement observées pendant des périodes de faible activité solaire. Compte tenu de ces taux d’occurrence et des caractéristiques des amplitudes, il semblerait que les irrégularités WD correspondent à des TID’s diurnes, parfois désignées comme des TID’s « classiques ». L'origine physique des irrégularités SN est en revanche plus difficile à établir.

(2) « Climatological study of ionospheric irregularities over the European mid-latitude sector with GPS ». Journal of Geodesy. DOI : 10.1007/s00190-013-0678-4

Page : précédente 1 2 3 4 5 suivante

 


© 2007 ULi�ge