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Du chant des oiseaux aux maladies neurodégénératives
27/01/2014

Chez l'oiseau, le chant est un comportement sous contrôle hormonal. La testostérone est ainsi indispensable pour apprendre à chanter mais aussi pour chanter à l'âge adulte. Des études ont mis en évidence les structures cérébrales contrôlant le chant chez l'oiseau et l'influence de la testostérone et de la capacité à chanter sur la taille de ces structures. Le professeur Jacques Balthazart, du Département des sciences biomédicales et précliniques/Biologie de la différenciation sexuelle travaillant au GIGA Neurosciences de l'Université de Liège, et ses collègues Johns Hopkins University montrent que chez le canari, la testostérone agit à différents endroits du cerveau pour contrôler le chant et la neurogenèse: elle agit au niveau du noyau HVC pour la qualité et la structure du chant et sur l'aire préoptique pour la motivation à chanter. Chanter induit à son tour une augmentation de la plasticité neuronale, c’est-à-dire la capacité du cerveau à remodeler les branchements entre neurones, à remplacer ceux-ci. L'espoir est donc de pouvoir transposer à l’homme les mécanismes observés chez le canari. "A très long terme, observe Jacques Balthazart, l'idée est que si on arrivait à créer une neurogenèse ou à favoriser une neurogenèse plus importante dans le cerveau humain, on pourrait contrer, voire guérir les maladies neurodégénératives ou arriver à avoir une réparation, partielle au moins, de lésions traumatiques cérébrales ".

Si pour un oiseau, chanter c'est attirer les femelles, c'est aussi défendre son territoire. Il y a donc une composante sexuelle et agressive au chant qui est un comportement contrôlé par l'aire préoptique du cerveau (une partie de l'hypothalamus classiquement associée au contrôle du comportement sexuel). L'étude du chant des oiseaux constitue donc une porte d'entrée pour comprendre comment les hormones sexuelles (dont la testostérone) influencent le comportement.

"Ici, l'idée était de voir si, en implantant de la testostérone dans l'aire préoptique, on pourrait réinduire le chant chez les animaux castrés, qui n'ont donc plus de testostérone endogène. On savait déjà par d'autres expériences que si on détruisait cette aire préoptique, on supprimait le chant et le comportement sexuel. On voulait maintenant faire la manipulation inverse qui est beaucoup plus spécifique", explique le Pr Jacques Balthazart du GIGA Neurosciences à l'université de Liège.

Un cerveau pour chaque saison?

Mais pourquoi s'intéresser au cerveau des oiseaux chanteurs? "Je travaille depuis 40 ans sur les problèmes de contrôle hormonal du comportement et, dans ce cadre-là, j'ai deux grands sujets de recherches: l'un sur le contrôle du comportement mâle, qui utilise des cailles japonaises, et l'autre sur la plasticité du cerveau des oiseaux chanteurs", précise Jacques Balthazart qui collabore pour ces derniers travaux avec Gregory Ball de l'Université Johns Hopkins à Baltimore aux États-Unis. Ces recherches font partie d'un grand projet international existant depuis plus de 25 ans et financé par la Politique scientifique belge et par les NIH (National Institutes of Health) américains.

Les recherches de ces deux équipes se sont nourries des travaux de Fernando Nottebohm à la Rockfeller University à New York. Dans les années 70, ce dernier a voulu comprendre ce qui contrôlait le chant des oiseaux et notamment les circuits nerveux impliqués dans cette activité. En 1975-76, il a mis en évidence le circuit moteur permettant de chanter et notamment un réseau de noyaux cérébraux interconnectés (RA, noyau robuste de l'arcopallium et HVC, Centre Vocal Supérieur) sur lesquels agit la testostérone pour activer le chant chez le canari. Le noyau télencéphalique HVC (Centre Vocal Supérieur) joue en fait un rôle clé dans l'apprentissage et la production du chant. Volume noyau"Fernando Nottebohm a vu qu'il y avait un groupe compact de neurones bien différenciés du reste qui n'existe que chez les oiseaux chanteurs. Il a ensuite étudié le volume de ces neurones et a observé qu'il variait avec les saisons sous l'effet de la testostérone", continue-t-il.

Ces structures ont donc toute une série de propriétés extrêmement intéressantes: d'une part, elles sont sexuellement différenciées (elles sont plus volumineuses chez le mâle, qui chante, que chez la femelle, qui ne chante pas, ce qui permet de relier les différences comportementales aux différences cérébrales), et il y a une plasticité saisonnière (les noyaux sont 2 à 3 fois plus gros au printemps quand les oiseaux chantent et se reproduisent que pendant l'hiver).

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