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Notger, évêque et prince
15/01/2014

Entre le Xème et le XIIème siècle, les empereurs germaniques prennent en effet l’habitude de confier aux évêques et à certains abbés à la fois de riches biens fonciers et des droits particuliers de nature comtale (comme le fait de taxer la circulation des marchandises ou de frapper la monnaie). Loin de déboucher sur une forme d’autonomisation des évêques, cette pratique les transforme en princes territoriaux, dévoués à Dieu et surtout à son représentant terrestre qu’incarne l’Empereur. Or, la concession du comté de Huy à Notger – dans un contexte politique troublé – constituerait a priori une première dans l’Empire germanique, d’autant que notre prince-évêque paraît avoir été lui-même un des « instigateurs » de ce fameux système de l’Eglise impériale, en profitant de la faiblesse temporaire des souverains germaniques pour « arracher » ces concessions qui lui étaient favorables.

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« Refondateur » de la ville de Liège

De par la forte empreinte qu’il laisse sur Liège, Notger est qualifié de « refondateur » de la ville par Jean-Louis Kupper : « Aujourd’hui encore, le plan, la configuration de la ville de Liège est le reflet pratiquement exact de ce que Notger a voulu qu’elle fût. La structure du centre de la ville, qui est en fait l’ancienne ville de l’an mil, reflète les actes que Notger a posés en tant que « reconstructeur » de la cité liégeoise. Lorsqu’on s’y promène et qu’on connaît l’oeuvre de cet évêque, on constate que sa marque est partout présente. Et du point de vue culturel et intellectuel, même s’il serait faux de dire que l’Université de Liège est l’héritière du centre d’étude qu’était Liège à l’époque de Notger, il est un fait certain que l’évêque a fait de la ville un haut lieu culturel. Cette situation privilégiée s’est maintenue jusqu’aux environs de l’an 1200 : pendant deux siècles, Liège était un grand centre intellectuel qui a rayonné dans toute l’Europe. »

Cette empreinte notgérienne touche à différents aspects de l’urbanisme, dont la protection de la ville, qui a longtemps constitué un problème majeur pour ses dirigeants : installée dans une cuvette et non sur un promontoire, la cité ne disposait d’aucune défense naturelle. Au début de son épiscopat, Notger pensait renoncer à cette cause (presque) perdue pour profiter de la situation plus stratégique de Huy. Mais en 987, suite notamment à la suppression de la menace que constituait la forteresse de Chèvremont, l’évêque abandonne son projet et se concentre à nouveau sur la Cité ardente. Ses interventions vont donner à Liège, chef-lieu définitif du diocèse mosan, la structure qu’elle conserve encore en grande partie à l’heure actuelle – et ce malgré la mise à sac de la ville par Charles le Téméraire en 1468, la disparition de la cathédrale Saint-Lambert ou encore les multiples réaménagements survenus depuis le début du XIXème siècle.

Parmi les différents travaux entrepris sous le règne de Notger, le chercheur Marc Suttor, collaborateur au département des sciences historiques de l’ULg,  souligne ceux qui touchent à la Meuse : moyen de transport essentiel au cours du Moyen Age, le fleuve jouera un rôle prépondérant dans l’essor commercial de la ville, mais aussi plus tard dans le développement de la dinanderie et de la sidérurgie. Rôle dont l’évêque a parfaitement conscience : il fait en effet approfondir le bras du fleuve qui correspond aujourd’hui aux boulevards d’Avroy et de la Sauvenière. Ce bras devait à l’origine constituer le cours originel de la Meuse, avant qu’un dépôt d’alluvions ne le comble partiellement. Notger semble ainsi poursuivre plusieurs objectifs : renforcer la défense de la ville sur son flanc sud, permettre aux bateaux d’atteindre le rivage de la Sauvenière pour faciliter le ravitaillement du centre, ou encore autoriser l’installation de moulins. L’exploitation de ces derniers constitue d’ailleurs un avantage énergétique non négligeable pour la ville.

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